Je te disais que cette démarche ne s’imposait pas

Il est bien naturel, et également rassurant, que l’année 2015, marquée par les innombrables succès opérationnels de la communauté française du contre-terrorisme, ait inspiré à nos plus brillants intellectuels de fortes réflexions, courageuses, construites sur une réelle expertise du Moyen-Orient, du terrorisme, ou de la violence politique, voire fondées sur une vision claire de l’histoire.

Alain Badiou, dont on n’a jamais rien lu d’utile ou de pertinent sur le jihad, ne pouvait pas, comme d’autres, rester silencieux après les attentats du 13 novembre. Invité à parler, le 23 novembre, au théâtre d’Aubervilliers, il y a prononcé une intervention qui a, par la suite, été publiée chez Fayard sous le titre prometteur de Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre.

Notre mal vient de plus loin

Je dois confesser que la pensée d’Alain Badiou ne m’a jamais vraiment convaincu, sans doute parce que, pur produit d’une intelligentsia bourgeoise historiquement dépassée, je n’ai guère d’appétence pour les défenseurs des crimes du maoïsme ou du communisme soviétique. Je sais, c’est mal, mais il ne saurait, pour autant, être question de juger sans lire. Il m’a donc semblé important de prendre connaissance de l’analyse des tueries de novembre par un penseur qui, en 1979, défendit l’expérience des Khmers rouges et devrait donc avoir une certaine familiarité avec la violence extrême et les crimes de masse. Je sais bien que notre homme a, depuis, regretté ce papier qui fleurait bon l’aveuglement et le révisionnisme, et qu’il est souvent injuste de reprocher les erreurs de jeunesse à des octogénaires, mais le texte publié au mois de janvier 2016 rappelle par trop d’aspects des défauts déjà observés.

La causerie d’Alain Badiou commence par de salutaires rappels, comme la dénonciation de « mesures inutiles et inacceptables » ou l’identification du piège tendu par les terroristes. Les remarques énoncées au début du texte, bien que souffrant parfois d’une formulation radicale, rejoignent ainsi les craintes exprimées depuis des mois par les défenseurs de la démocratie. Hélas, la suite ne présente d’intérêt que pour ceux qui s’intéressent aux naufrages. Celui qui nous est présenté ici est, en effet, absolument fascinant.

Chacun est libre de ses opinions, mais les partager devrait impliquer qu’on soit capable de les étayer autrement que par des certitudes idéologiques d’un autre âge. A ce titre, le petit livre d’Alain Badiou renvoie, presqu’irrésistiblement, à la phrase du regretté Umberto Eco au sujet de ceux, qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité.

Non que je sois insensible à l’injustice sociale, ou que je sois hostile à toute pensée authentiquement progressiste, mais notre pays souffre depuis trop longtemps de l’éditorialisme omniscient pour qu’il soit possible de tolérer autant de banalités imbéciles en si peu de pages. La lecture que développe Alain Badiou des événements récents est ainsi d’une consternante ignorance et ne sert qu’à contraindre les faits pour les faire coïncider avec des opinions préétablies.

Consacré au terrorisme et au jihad, le livre de M. Badiou ne mentionne, par exemple, la Syrie qu’une seule fois, n’évoque jamais Al Qaïda, et, plus généralement, fait montre d’une sidérante ignorance à l’égard des questions qu’il prétend traiter. Il n’est pas là pour construire un raisonnement rigoureux, ou même une véritable réflexion, mais bien pour asséner des certitudes, si ce n’est des obsessions. La description des jihadistes du 13 novembre est tellement caricaturale qu’on songe au sketch d’un quelconque comique :

Les tueurs sont de jeunes fascistes qui ressemblent aux miliciens de Pétain, et dont les motifs sont bourbeux, mortifères et en outre sans contenu véritable.

Ce refus obstiné de voir dans la violence des tueurs l’expression d’un projet politique, qui rappelle les saillies répétées d’Olivier Roy au sujet d’un supposé nihilisme, révèle, au-delà du choc générationnel de vieux révolutionnaires vaincus et dépassés, une incompréhension teintée de mépris pour un phénomène qui n’est ici jamais étudié ou même décrit et n’est, en réalité, que le prétexte à l’expression de vieilles lubies. Qu’il faille dénoncer l’impérialisme des uns ou des autres ne fait pas de doute, et qu’il faille déplorer les erreurs historiques des puissances coloniales occidentales est une évidence. Mais, sans surprise, Alain Badiou fait montre d’un paternalisme aux insistants relents racistes, qui fait référence à un Irak devenu incompréhensible, à un Pakistan brumeux, à un Nigeria fanatique, ou un Congo (sic) au cœur des ténèbres ». De quel Congo s’agit-il ? Mystère. Et le Nigeria serait devenu fanatique ? Ce n’est pas ce que disent les élections présidentielles de l’année dernière. Pas grave, puisque les Africains ou les Arabes ne sauraient être que des victimes, jamais maîtres de leur destin, jamais responsables.

Logiquement, donc, tout ce qui vise les Occidentaux est de leur seule responsabilité, la conséquence de leur seule politique. Le texte de Badiou ne cesse de ressasser des lieux communs et des slogans creux au sujet du fascisme et du capitalisme et dénie ainsi toute autonomie d’action à une part très conséquente de la planète. Certaines pages sont même franchement gênantes. On apprend ainsi que le jihad n’a aucun lien avec l’islam ou avec les pays où il se déploie mais concerne d’abord les Etats occidentaux qu’il vise. Ce faisant, Badiou exonère les terroristes de toute responsabilité profonde et revient à une pensée historique mécanique typique, qui ne cherche pas à expliquer ou à comprendre mais à servir une cause et une idéologie :

Avant toutes choses, la nature des bandes armées est d’occuper un terrain de type capitaliste dévasté pour y installer un gangstérisme rentable qui ensuite pourra prendre, pour plaire aux jeunes gens révoltés, les couleurs spirituelles les plus variées.

De clichés psychologisants en grossières erreurs factuelles, ce texte n’a pour seule valeur que l’illustration de la déconnexion entre une certaine classe d’intellectuels – ou supposés tels – et un monde qui se recompose sous leurs yeux sans qu’ils le comprennent (à supposer qu’ils l’aient, d’ailleurs, jamais vraiment compris). Acheté sous format électronique, mon exemplaire ne peut même pas servir à caler une table de jardin.

« Il y a des couillonnes/Qui parlent d’extraditionne/Mais pour moi pas questionne/De payer l’additionne » (« SS in Uruguay », Serge Gainsbourg)

La fiction est une introduction souvent essentielle à la réalité, en particulier pour ceux que rebute la froideur des travaux historiques. Intrinsèquement politique et social, le roman noir constitue ainsi la porte d’entrée idéale à des situations complexes, parfois inextricables, dont il présente les protagonistes dans toute leur ambiguïté, et parfois leur noirceur.

Le genre a ses pères fondateurs (Raymond Chandler, Dashiell Hammet, Jim Thompson, Chester Himes), ses maîtres (James Ellroy, Dennis Lehane, James Lee Burke, Walter Mosley, James Sallis, Ted Lewis, James Crumley, Robin Cook/Derek Raymond, Thierry Jonquet, pour ne citer que mes idoles), et compte des centaines d’auteurs moins brillants mais parfois passionnants. Philip Kerr, prolifique romancier britannique, est de ceux-là, et il fait vivre depuis 1989 le personnage de Bernhard Gunther.

La trilogie berlinoise Une douce flamme

51cmMj6EivL._SX307_BO1,204,203,200_ Prague fatale

Bernie Gunther est bien un privé, comme Philip Marlowe, Sam Spade ou Jack Gittes, mais on ne le trouve pas à Los Angeles ou New York. Ex-policier berlinois, ancien combattant (il a été blessé en France en 1918), il apparaît en 1989 dans un roman publié en France en 1993 et intitulé L’Eté de cristal. On y découvre, en 1936, alors que le IIIe Reich accueille les Jeux olympiques, une intrigue sordide à souhait, qui met en place l’univers romanesque de Kerr.

Ancien flic désabusé, farouchement anti nazi mais pas sympathique pour autant, Gunther réinterprète la figure du privé des grands classiques. Intègre mais odieux, obstiné, jamais avare de remarques acerbes, il se meut entre les puissants – et quels puissants ! Il travaille même pour Heydrich – et jette sur le monde qui l’entoure le regard cynique d’un homme affligé par ses contemporains comme par lui-même.

Elliott Gould est Philip Marlowe dans The Long Goodbye (1973) de Robert Altman, d'après Raymond Chandler.
Elliott Gould est Philip Marlowe dans The Long Goodbye (1973) de Robert Altman, d’après Raymond Chandler.

Les différents romans dans lesquels apparaît Bernhard Gunther offrent une perspective fascinante sur l’Allemagne de la première partie du 20e siècle avant, pendant, et après la guerre. Enquêteur privé, puis de nouveau policier, il est intégré, par le jeu des réorganisations des services, dans la SS, affecté sur le Front de l’est et finalement capturé par les Soviétiques. De l’indicible naufrage moral du nazisme au désastre final, des intrigues de l’avant-guerre à celle de l’après-guerre, de Berlin à Buenos Aires en passant pas Prague, les récits de Kerr présentent toute la complexité et la noirceur d’un monde où la survie est une lutte permanente, où les individus sont rattrapés par leur passé et broyés par des luttes qui les dépassent. Les intrigues lorgnent parfois vers le contre-espionnage (et c’est là qu’elles sont le moins convaincantes), mais on a le plus souvent affaire à du polar, du pur, du dur, triste et désespérant.

Kerr n’est pas un grand écrivain mais il est, en revanche, un conteur de grand talent. Il livre là une fresque remarquable qui vaut par l’aisance avec laquelle elle met en scène des personnages, ambigus, ballotés par l’Histoire. Par les temps qui courent, les leçons de complexité sont précieuses. Il ne faut pas les ignorer.

Le Graal, c’est la vie

La première vision des épisodes de Kaamelott a constitué un choc sévère pour l’amateur de la Matière de Bretagne que je suis depuis ma prime adolescence. Loin des chevaliers courtois et héroïques décrits par Chrétien de Troyes ou Sir Arthur Mallory, loin de l’héroïsme hollywoodien (Knights of the Round Table, de Richard Thorpe en 1953, par exemple) et, évidemment du chef d’œuvre de John Boorman, Excalibur (1981), la série d’Alexandre Astier, adoptant le format des fictions de M6, montre en effet des chevaliers bretons à peine plus fréquentables que les pires demi-sel des films dialogués par Michel Audiard.

Knights of the Round Table Excalibur

Je dois confesser qu’il me fallut quelques épisodes pour dépasser ce choc et me rallier au projet. Comme des millions d’autres, je fus finalement conquis par le comique des situations, la drôlerie des personnages, les dialogues ciselés, interprétés avec ce qu’il faut d’outrance par une troupe de comédiens manifestement enchantés de participer à la série. Devenue culte, Kaamelott nous séduit car elle est comme un miroir pour les Français : on y aime le verbe, les engueulades sans conséquence, les formules assassines, l’argot. On s’y bat mais on sait s’unir contre l’ennemi, qu’on amadoue plus souvent avec de la nourriture (le roi des Burgondes, Attila, Caius le centurion ou la délégation maure) que par la force des armes, et on s’y dispute en général pour des broutilles sans importance.

Kaamelott, pourtant, n’est pas qu’une farce. Nicolas Truffinet, dans Kaamelott, ou la quête du savoir (Vendémiaire, 2014), a ainsi montré que la série traitait aussi de la connaissance, de sa transmission, et de l’apprentissage. Perceval et Karadoc, aussi péremptoires que parfaitement idiots, évoquent ainsi irrésistiblement les Bouvard et Pécuchet du roman inachevé de Gustave Flaubert (1881), et Arthur, éduqué à Rome, esprit rationnel, est souvent bien seul face à ses sujets, y compris les plus puissants et les plus prestigieux d’entre eux.

Kaamelott

Alexandre Astier, en effet, est allé bien au-delà du simple divertissement. Bien sûr, mettre dans la bouche de chevaliers supposément courtois jurons et considérations triviales a été une idée géniale. Les héros en armure censés chercher le Graal picolent, sont confrontés à un quotidien sans relief, et leur vie s’écoule au rythme d’activités médiocres (Combien de batailles perdues ? De missions ratées ? De plans sabotés par pure bêtise ?) ou de réunions autour de la Table ronde au cours desquelles on fait bien rarement preuve de panache ou d’engagement. De prime abord, Astier semble ainsi s’être livré à une destruction méthodique du mythe, présentant des personnages risibles, d’une bêtise parfois confondante, que leur grossièreté place à mille lieues de la légende arthurienne et, surtout, de ses représentations à l’écran. Il suffit de comparer…

Pourtant, de cette accumulation de scènes cocasses émerge une authentique cohérence, qui révèle le projet de l’auteur. Dialoguiste remarquable, capable de trousser d’hilarants gags absurdes (et on pense parfois au film, lui aussi culte, de Terry Gilliam et Terry Jones Monty Python and the Holy Grail, en 1975), Astier connaît sa Matière de Bretagne comme bien peu d’entre nous et, au lieu de la trahir, il la revisite et la modernise sans jamais abandonner sa puissance et sa grandeur. Mieux, il l’humanise et nous fait partager les doutes d’Arthur, un roi de Bretagne bien seul.

Arthur

Kaamelott est ainsi la chronique de la solitude d’un homme écrasé par son destin, élu des Dieux contre son gré, sommé d’atteindre la grandeur et d’entraîner avec lui des compagnons dont la plupart sont incapables de la moindre élévation spirituelle. Arthur est sans doute un homme aux nombreux talents et aux grandes capacités, mais il n’en est pas moins homme, travaillé par le doute, proie de ses passions, victime de ses nombreux défauts. On le voit impatient, colérique, blessant à l’égard de ses subordonnés, odieux avec son épouse, méprisant à l’égard des gens du peuple. Rarement souriant, avide de solitude, le roi Arthur décrit (et joué) par Alexandre Astier est à l’opposé du chevalier courtois de la littérature médiévale. Il n’a guère de sagesse, ne tolère pas la médiocrité ou les manquements au devoir – mais s’autorise de nombreux écarts.

Par bien des côtés, Arthur de Bretagne est présenté dans la série comme un être égoïste, peu sympathique, mais il est également partisan du progrès social, hostile à la violence que ses compagnons pratiquent sans retenue, et doué d’un grand sens de la justice. Profondément humain par ses défauts, il s’élève ainsi par son sens politique, et, évidemment, son ambition morale. A l’écouter, à le voir tenter de dépasser la trivialité de son quotidien pour conduire ses chevaliers vers le Graal, on mesure la souffrance d’un souverain dont l’arrogance cache mal les questionnements, tiraillé entre la vie qu’il voudrait mener et celle que les Dieux lui imposent, alors qu’autour de lui s’affrontent, de plus en plus vivement au fur et à mesure des épisodes, des personnalités rivales puis opposées.

Kaamelott est ainsi bien plus qu’une série comique. Héritière d’une tradition millénaire qu’elle enrichit, elle redonne au mythe une modernité qui ne le trahit pas. Sans jamais se soucier de vérité historique (les anachronismes sont innombrables), elle présente un monde complexe, en train de changer, parcouru de barbares profitant de la chute d’un empire dont l’influence est omniprésente. Au-delà de la quête du Graal et de sa dimension religieuse, elle montre l’extrême solitude de l’exercice du pouvoir, ses nécessaires compromissions et le gouffre impossible à combler entre les principes, les ambitions et la réalité. A cet égard, Kaamelott doit aussi être regardée comme une série politique.

I ain’t got time to bleed.

Le général Desportes a le défaut d’écrire ce qu’il pense, de penser ce qu’il écrit, et de ne jamais hésiter à le dire. Dans un pays où les critiques sont toujours perçues par les gouvernants comme des actes de sédition, la chose est rare et agace. On se souvient qu’en 2014, alors que l’opération Sangaris s’annonçait déjà comme une mission à l’issue incertaine, le ministre de la Défense, peu sensible aux vertus du débat d’idées, avait fort élégamment rappelé que le général Desportes n’était plus aux affaires et que son opinion n’avait guère de valeur. Le ministre, comme c’est la mode, avait ainsi révélé une tendance à l’anti intellectualisme, naturellement pénible qui devient réellement handicapante en ces temps troublés.

C’est le même général Desportes qui, il y a quelques semaines, a publié un petit livre agacé et cruel (La Dernière bataille de France, Gallimard, « Le Débat », 208 pages). En quelques dizaines de pages, claires, argumentées, acides et souvent inquiètes, il dresse le bilan des décennies d’aveuglement, de renoncements, de dogmatisme et de candeur ayant abouti à la situation catastrophique dans laquelle se trouve actuellement notre outil de défense.

La dernière bataille de France

Pointant sans pitié l’absence de stratégie, les incohérences de notre diplomatie, et la faiblesse du débat national, le général Desportes, grâce à quelques formules assassines, règle ses comptes. On a le droit de ne pas souscrire à certaines de ses analyses, en particulier sur la Libye et la Sahel (où le feu couvait avant 2011), mais force est de reconnaître que les diagnostics sont pertinents, et souvent impitoyables.

Le texte, évidemment, n’est pas exempt de quelques faiblesses. Son propos principal, qui traite de l’effort de défense, est ainsi repris à plusieurs reprises, comme délayé, et donne le sentiment que le plan de l’ouvrage tourne en rond. Mais, après tout, ne dit-on pas que la pédagogie est l’art de la répétition ? De même pourra-t-on regretter une poignée de formules qui pourraient laisser penser que le coup de gueule du général Desportes relève d’une forme de corporatisme – alors qu’il n’en est rien. L’ensemble, écrit d’une plume alerte, se révèle cependant vivifiant et rappelle que le monde nécessite autre chose que des décisions cosmétiques pour que notre pays soit en mesure d’y maintenir le rang que nous estimons être le sien.

Le général Desportes, dont le livre a été publié quelques semaines avant les attentats du 13 novembre, a cruellement vu juste. Tout le monde n’a pas son talent.

« If you got bad news/You want to kick them blues/Cocaine » (« Cocaine », J.J. Cale)

L’écriture de Laurent Guillaume a la faculté de vous faire transpirer en plein hiver, ou de vous glacer au cœur de l’été. Ses polars, violents, poisseux, sans concession, sont de ceux qu’on ne lâche pas.

Il faut dire que notre homme a eu plusieurs vies. Policier en région parisienne, policier au Mali, écrivain, scénariste, consultant, il ne fait pas les choses à moitié et ses romans sont à son image. On en sort sonné, secoué par sa capacité à restituer des ambiances, reproduire la réalité, parfois terrible, des terrains qu’il a parcourus. Black Cocaïne (2013, chez Denoël, 258 pages) constitue ainsi une imparable initiation au Mali, celui du narcotrafic, des bouges, des prisons mais aussi celui de Bamako, du désert, du fleuve Niger, et surtout des Maliens, trop souvent ignorés.

Laurent Guillaume - Black cocaïne

Black Cocaïne, en suivant la vie chaotique de son héros, Solo,  détruit les clichés mais reprend les codes du roman noir. L’intrigue permet de dresser le portrait d’un pays confronté à la corruption, à la violence, à la pauvreté, et Solo est un privé comme on les aime, solitaire, torturé, tenace, attachant malgré ses défauts. Il est surtout atypique, et il nous change des romans écrits au kilomètres vendus par des écrivains sans âme. Guillaume suit là les pas des plus grands. On lui souhaite de les égaler un jour et de ne pas renoncer à la sincérité de ses textes.

« Where has everybody gone?/I’ve got this feelin/Goin to end up here on my own/Where’s my support now?/Where’s the ranks of the strong?/In this faceless crowd, where can I belong? » (« Where has everybody gone? » The Pretenders)

Vous voulez de l’intelligence, de la culture, du travail, de la rigueur, de la profondeur, du talent, de la hauteur de vue, de l’indépendance d’esprit, de la solidité dans l’épreuve ? Vous allez être servis, je vous en donne.

Les amis, et pour certains mes maîtres, je ne vous ai pas tous rencontrés, mais je vous lis, vous m’inspirez, vous m’aidez, vous m’ouvrez des voies, vous me corrigez. Je vous aime comme des compagnons non combattants, malgré tout en première ligne, notre première ligne, celle des idées et du savoir contre l’ignorance, la leur comme la nôtre.

Henry Laurens

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L’IFRI

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Damien Van Puyvelde

Yan St-Pierre

Sébastien Pietrasanta

Une guerre lancée sans perspectives politiques n’est-elle pas perdue d’avance ?

Nous sommes ensevelis, depuis quelques mois, sous les livres traitant de l’Etat islamique, de ses origines, de ses buts, et nous décrivant souvent à quel point ses chefs sont méchants et ses membres bons pour l’internement d’office. On trouve, dans cette abondante production, des textes bâclés, alignant lieux communs et imprécisions, des récits personnels plus ou moins convaincants, une poignée de courtes réflexions agacées sans grande valeur (The Jihadis return, de Patrick Cockburn, OR Books, 2014), et, fort heureusement, quelques sommes impressionnantes (The ISIS Apocalypse: The History, Strategy, and Doomsday Vision of the Islamic State, de Will McCants, St Martin’s Press, 2015 ; ISIS: The State of Terror, de Jessica Stern et J.M Berger, William Collins, 2015). Tout le monde, cependant, n’a pas nécessairement le goût des ouvrages massifs, en particulier sur un sujet aussi complexe, et on cherche, alors, la petite merveille, courte mais riche, argumentée et documentée, qui permettra à un esprit curieux mais peu familier du Moyen-Orient d’aller à l’essentiel.

ISIS The State of Terror ISIS Apocalypse

Cette merveille existe, et on la doit à Pierre-Jean Luizard (ici, une notice bibliographique, hélas pas à jour), spécialiste bien connu de l’Irak et auteur de livres de référence sur le sujet. Sans surprise, le fait que M. Luizard soit historien lui permet de donner à son discours une véritable profondeur analytique mêlant de façon limpide données historiques, explications sociologiques et mises en perspective des stratégies des uns et des autres.

Loin des gémissements et autres idioties devenues parts de la ligne officielle de notre beau pays, Luizard avance, dans Le Piège Daech (Editions de La Découverte, 2015, 180 pages) des analyses étayées, peut-être ponctuellement teintées d’agacement (on a le droit de ne pas être d’accord avec son récit de l’invasion du Koweït par l’Irak, le 2 août 1990) mais toujours revigorantes. Ses passages au sujet des accords entre les troupes de Barzani et l’EI permettent ainsi de relativiser la légende dorée qu’on nous sert sans fin au sujet des Kurdes irakiens. De même, ses explications au sujet du jeu turc ou de l’impasse mortelle dans laquelle s’est placée l’Arabie saoudite devraient être connues de tous ceux qui nous abreuvent de certitudes rassurantes.

Le piège Daech

Un livre vivement conseillé, qui dit clairement quantité de vérités cruelles, à commencer par l’absence de vision des Occidentaux et leur impuissance. Et, étonnamment, on y parle plus de la rationalité de la violence de l’EI et des projets du mouvement que de l’influence d’Assassin’s Creed.

La neige avait cessé de tomber. En Scanie, c’était encore l’automne.

Henning Mankell est mort le 5 octobre dernier, emporté par le cancer dont il avait révélé être atteint en 2014. Dramaturge, romancier, auteur de contes pour enfant, activiste partageant sa vie entre la Suède et le Mozambique, il était surtout connu du public pour sa série de romans policiers construite autour de l’inspecteur Wallander, puis de sa fille Linda, à Ystad.

Ecrivain prolifique à l’exigeante conscience politique et sociale, Mankell avait placé sa série policière aux confins du roman à énigmes, du thriller et du polar. Les intrigues de la série des Wallander étaient toujours l’occasion d’interrogations, à partir des crimes ou des disparitions, au sujet de l’évolution de la société suédoise, de son rapport à la violence, du poids des médias et de l’égoïsme des individus.

Policier fatigué, triste sinon dépressif, marqué par son divorce et ses relations longtemps tendues avec son père, Kurt Wallander est un policier très humain, incrédule et souvent désarmé devant la violence de ses compatriotes. Loin d’être une machine comme Hercule Poirot, dépourvu du cynisme de Philip Marlowe, Wallander monologue beaucoup, s’écoute, gère sa fragilité, tente de résister à l’âge qui le diminue et au monde qui ne cesse de le blesser.

Observateur, intuitif, Wallander, en dépit de son apparente faiblesse, est un excellent enquêteur, qui n’a de cesse de résoudre les énigmes qui se présentent à lui. Personnalité atypique s’interrogeant en permanence sur la pertinence de ses choix et la logique des événements, il est méthodique et tourne et retourne les faits jusqu’à leur donner un sens.

La plume de Mankell était parfois un peu trop appuyée, trop démonstrative, et l’inspecteur Wallander a pu, quelques fois, se lamenter avec un peu trop d’application. De même certaines intrigues, en particulier celles aux accents de Guerre froide, ont pu moins convaincre, mais l’ensemble reste de très haute tenue, souvent supérieur aux romans de Michael Connelly, et parfois comparable à ceux de James Lee Burke ou Dennis Lehane – c’est dire. Au-delà, cependant, de la mélancolie qui s’en dégage, ou des atmosphères si particulières de la Scanie, terre mystérieuse pour nombre de lecteurs, la force des romans de Mankell réside dans sa capacité, unique, à recréer le cheminement intellectuel d’une enquête. Jamais, à ma connaissance, on avait avec tant de talent reproduit les affres d’une investigation, les doutes, les fausses pistes, les portes qu’on ouvre et qu’on ferme, le hasard des découvertes, l’obsession qui vous mine jusqu’à ce que vous trouviez enfin la solution. C’est sans doute dans là que Mankell a démontré le plus ses dons de romancier, en décrivant toute la difficulté du métier d’enquêteur – et d’analyste.

Rolf Lassgard
Rolf Lassgard
Krister Henriksson
Krister Henriksson
Kenneth Branagh
Kenneth Branagh

Les adaptations à la télévision des enquêtes de Wallander, en Suède ou au Royaume-Uni, bien que fidèles, n’ont jamais réussi à rendre toute la complexité du personnage et tous les ressorts de la quête d’une solution à une énigme criminelle. A cet égard, la lecture en 2001 de son chef d’œuvre, Les morts de la Saint-Jean (Editions du Seuil, traduction d’Anna Gibson) a constitué un choc et reste, parmi des centaines de romans policiers lus depuis des décennies, une de plus mes extraordinaires expériences dans le domaine.

Les morts de la Saint-Jean
Les morts de la Saint-Jean

Henning Mankell va nous manquer, tout comme sa poésie (remarquable Les Chaussures italiennes, Seuil, 2009, traduit par Anna Gibson), ou ses indignations, mais il nous laisse les enquêtes de Wallander, et certaines sont déjà des classiques.

La chance, c’est de la connerie

Un caporal des Rangers, repéré en Irak en raison ses dons de dresseur de chevaux, est affecté en Afghanistan à une unité des Forces spéciales dirigée par le capitaine Wynne, un officier légendaire connu pour son insubordination et sa combativité. Là, il se voit confier le dressage de chevaux nécessaires à une mystérieuse mission d’infiltration dans le sud du pays, au cœur des régions tenues par les Taliban.

La quête de Wynne

Deuxième roman du jeune écrivain américain Aaron Gwyn, La Quête de Wynne (Wynne’s War, chez Gallmeister, traduction de François Happe) fait partie de ses récits sans prétention qui étonnent par leur capacité à vous tenir en haleine. Véritable page-turner, il impressionne par la précision de ses séquences de dressage ou de combat et par la qualité de son écriture, mais c’est surtout l’ensemble qui laisse une impression durable.

Le roman, en effet, enchaîne les ambiances jusqu’à défier ceux qui voudraient le ranger dans une catégorie précise. Tour à tour récit de guerre, roman noir, roman d’aventures, roman fantastique, survival novel, il évoque la figure du colonel Kurtz dans une autre guerre américaine perdue et livre quelques passages saisissants – dont je laisse la surprise aux lecteurs.

Le texte de Gwyn, très maîtrisé, et très documenté (preuve que certaines fictions sont bien plus réalistes et instructives que des textes présentés comme des enquêtes de TERRRAIN mais en réalité totalement bidonnés), constitue une excellente surprise, noyée hélas dans l’avalanche de titres de cette rentrée littéraire. Il y sans doute là, de surcroît, matière à une honnête série B, et on pense souvent à un Lone Survivor (2013, Peter Berg) dont l’argument aurait évolué vers l’épique.

A lire.

Pourquoi ils chantent la cucaracha

Décidément doté de tous les talents, Louis-Olivier de Saint-Clar, infatigable aventurier tout autant qu’homme de plume exigeant, marque cette rentrée littéraire par l’audace de son dernier livre Pourquoi ils chantent la cucaracha.

Sous ce titre, dont l’humour glacé et sophistiqué ne doit pas occulter la culture cosmopolite de son auteur, Louis-Olivier de Saint-Clar se livre à un éblouissant exercice d’autofiction que ne reniera sans doute pas Serge Doubrovsky. Délaissant son raffinement intellectuel et sa grande élégance personnelle, l’écrivain baroudeur se glisse ainsi dans la peau d’un abruti à la santé mentale fragile et à la syntaxe défaillante pour se moquer des faux experts qui polluent depuis trop longtemps la scène médiatique nationale.

Faisant montre d’un exceptionnel don comique, Saint-Clar livre en plusieurs centaines de pages un texte à l’incohérence parfaitement maîtrisée, alternant délires politiques, entretiens inventés et expériences opérationnelles fantasmées. Ce faisant, il produit une irrésistible parodie de plusieurs ouvrages publiés récemment à la faveur du naufrage éditorial de maisons pourtant réputées, et renvoie, l’air de rien, nombre de rédactions parisiennes à la faiblesse de leur travail documentaire.

Poussant l’exercice au bout de sa logique, Saint-Clar n’a d’ailleurs pas publié sa dernière production n’importe où. Edité par les Editions du Pilon, une maison bien connue sise dans un paradis fiscal et dont l’actualité mondaine fait le bonheur des tribunaux et de la presse de qualité, il a su trouver dans Guillaume Saurin un complice amusé de cette supercherie littéraire. Ancien parachutiste, véritable légende de l’action clandestine, Saurin, qui est connu pour sa capacité à prendre le RER A sans ticket et dont on dit qu’il savait lacer seul ses bottes de saut à 19 ans, a immédiatement saisi l’intérêt du projet de Saint-Clar, et l’a même incité à forcer le trait d’un texte qu’il jugeait encore trop élégant. Les deux compères, avec Pourquoi ils chantent la cucaracha, ont ainsi produit un véritable monument du pastiche littéraire qui n’est pas sans rappeler, dans ses meilleures pages, les maîtres que sont Jorge Luis Borges ou Umberto Eco. Leur dénonciation de l’imposture intellectuelle de certains n’est pas passée inaperçue et on trouve parmi leurs admirateurs des esprits simples, sincèrement séduits par les élucubrations parodiques de Saint-Clar. L’expérience intellectuelle est ainsi en train de se transformer en phénomène, et il ne fait guère de doute que certains journalistes, peut-être sur M6, tomberont dans un piège si habilement tendu.

En attendant, avec gourmandise, la prochaine tournée de promotion, on ne peut que s’exclamer Chapeau, l’artiste !