Le Graal, c’est la vie

La première vision des épisodes de Kaamelott a constitué un choc sévère pour l’amateur de la Matière de Bretagne que je suis depuis ma prime adolescence. Loin des chevaliers courtois et héroïques décrits par Chrétien de Troyes ou Sir Arthur Mallory, loin de l’héroïsme hollywoodien (Knights of the Round Table, de Richard Thorpe en 1953, par exemple) et, évidemment du chef d’œuvre de John Boorman, Excalibur (1981), la série d’Alexandre Astier, adoptant le format des fictions de M6, montre en effet des chevaliers bretons à peine plus fréquentables que les pires demi-sel des films dialogués par Michel Audiard.

Knights of the Round Table Excalibur

Je dois confesser qu’il me fallut quelques épisodes pour dépasser ce choc et me rallier au projet. Comme des millions d’autres, je fus finalement conquis par le comique des situations, la drôlerie des personnages, les dialogues ciselés, interprétés avec ce qu’il faut d’outrance par une troupe de comédiens manifestement enchantés de participer à la série. Devenue culte, Kaamelott nous séduit car elle est comme un miroir pour les Français : on y aime le verbe, les engueulades sans conséquence, les formules assassines, l’argot. On s’y bat mais on sait s’unir contre l’ennemi, qu’on amadoue plus souvent avec de la nourriture (le roi des Burgondes, Attila, Caius le centurion ou la délégation maure) que par la force des armes, et on s’y dispute en général pour des broutilles sans importance.

Kaamelott, pourtant, n’est pas qu’une farce. Nicolas Truffinet, dans Kaamelott, ou la quête du savoir (Vendémiaire, 2014), a ainsi montré que la série traitait aussi de la connaissance, de sa transmission, et de l’apprentissage. Perceval et Karadoc, aussi péremptoires que parfaitement idiots, évoquent ainsi irrésistiblement les Bouvard et Pécuchet du roman inachevé de Gustave Flaubert (1881), et Arthur, éduqué à Rome, esprit rationnel, est souvent bien seul face à ses sujets, y compris les plus puissants et les plus prestigieux d’entre eux.

Kaamelott

Alexandre Astier, en effet, est allé bien au-delà du simple divertissement. Bien sûr, mettre dans la bouche de chevaliers supposément courtois jurons et considérations triviales a été une idée géniale. Les héros en armure censés chercher le Graal picolent, sont confrontés à un quotidien sans relief, et leur vie s’écoule au rythme d’activités médiocres (Combien de batailles perdues ? De missions ratées ? De plans sabotés par pure bêtise ?) ou de réunions autour de la Table ronde au cours desquelles on fait bien rarement preuve de panache ou d’engagement. De prime abord, Astier semble ainsi s’être livré à une destruction méthodique du mythe, présentant des personnages risibles, d’une bêtise parfois confondante, que leur grossièreté place à mille lieues de la légende arthurienne et, surtout, de ses représentations à l’écran. Il suffit de comparer…

Pourtant, de cette accumulation de scènes cocasses émerge une authentique cohérence, qui révèle le projet de l’auteur. Dialoguiste remarquable, capable de trousser d’hilarants gags absurdes (et on pense parfois au film, lui aussi culte, de Terry Gilliam et Terry Jones Monty Python and the Holy Grail, en 1975), Astier connaît sa Matière de Bretagne comme bien peu d’entre nous et, au lieu de la trahir, il la revisite et la modernise sans jamais abandonner sa puissance et sa grandeur. Mieux, il l’humanise et nous fait partager les doutes d’Arthur, un roi de Bretagne bien seul.

Arthur

Kaamelott est ainsi la chronique de la solitude d’un homme écrasé par son destin, élu des Dieux contre son gré, sommé d’atteindre la grandeur et d’entraîner avec lui des compagnons dont la plupart sont incapables de la moindre élévation spirituelle. Arthur est sans doute un homme aux nombreux talents et aux grandes capacités, mais il n’en est pas moins homme, travaillé par le doute, proie de ses passions, victime de ses nombreux défauts. On le voit impatient, colérique, blessant à l’égard de ses subordonnés, odieux avec son épouse, méprisant à l’égard des gens du peuple. Rarement souriant, avide de solitude, le roi Arthur décrit (et joué) par Alexandre Astier est à l’opposé du chevalier courtois de la littérature médiévale. Il n’a guère de sagesse, ne tolère pas la médiocrité ou les manquements au devoir – mais s’autorise de nombreux écarts.

Par bien des côtés, Arthur de Bretagne est présenté dans la série comme un être égoïste, peu sympathique, mais il est également partisan du progrès social, hostile à la violence que ses compagnons pratiquent sans retenue, et doué d’un grand sens de la justice. Profondément humain par ses défauts, il s’élève ainsi par son sens politique, et, évidemment, son ambition morale. A l’écouter, à le voir tenter de dépasser la trivialité de son quotidien pour conduire ses chevaliers vers le Graal, on mesure la souffrance d’un souverain dont l’arrogance cache mal les questionnements, tiraillé entre la vie qu’il voudrait mener et celle que les Dieux lui imposent, alors qu’autour de lui s’affrontent, de plus en plus vivement au fur et à mesure des épisodes, des personnalités rivales puis opposées.

Kaamelott est ainsi bien plus qu’une série comique. Héritière d’une tradition millénaire qu’elle enrichit, elle redonne au mythe une modernité qui ne le trahit pas. Sans jamais se soucier de vérité historique (les anachronismes sont innombrables), elle présente un monde complexe, en train de changer, parcouru de barbares profitant de la chute d’un empire dont l’influence est omniprésente. Au-delà de la quête du Graal et de sa dimension religieuse, elle montre l’extrême solitude de l’exercice du pouvoir, ses nécessaires compromissions et le gouffre impossible à combler entre les principes, les ambitions et la réalité. A cet égard, Kaamelott doit aussi être regardée comme une série politique.

Vous savez, donner tous les moyens à des incapables, c’est comme verser de l’huile sur le feu.

J’aimais beaucoup Michael Moore pour son travail, non pas de documentariste mais de cinéaste engagé. J’avais ainsi apprécié Roger and Me (1989), bien rigolé devant Canadian Bacon (1995) malgré ses faiblesses, et partagé les indignations de Bowling for Columbine (2002, Oscar du meilleur documentaire). Il y montrait un authentique sens de l’indignation et argumentait de façon efficace. Sa lutte contre l’élection, en 2000, de George W. Bush dans des conditions pour le moins discutables fut également admirable, mais elle marqua certainement le début de la fin.

En 2004, Michael Moore remporta la Palme d’Or à Cannes pour Fahrenheit 9/11, un film à charge éreintant l’Administration Bush et posant des questions que d’aucuns jugèrent pertinentes au sujet des attentats de New York et Washington. Présenté abusivement comme un documentaire, Fahrenheit 9/11 est en réalité un brulot dans lequel le talent de Moore pour la parodie, sa faconde, son admirable mauvaise foi, se substituent habilement à toute réflexion de fond sur le terrorisme, le renseignement ou la géopolitique. Salué par tous alors que le monde était encore outré de l’invasion de l’Irak par l’Empire, le film n’est certainement pas un documentaire mais bien, au contraire, l’œuvre très personnelle d’un homme, Michael Moore, qui en déteste un autre. Il faut le voir comme le témoignage du climat politique d’une époque et non comme une date majeure du cinéma.

Fahrenheit 9/11

Ça n’est évidemment pas un hasard si le film a remporté en France un grand succès. Flattant les Français dans leurs convictions, même les plus imbéciles, il a donné l’impression à certains qu’ils comprenaient enfin ce qui était arrivé ce fameux mardi 11 septembre 2001, et a contribué, j’en suis persuadé, à développer l’esprit conspirationniste qui fait voir des machinations imaginaires partout alors que la réalité est bien plus complexe et subtile – et donc plus délicate à appréhender.

Un an avant la sortie de Fahrenheit 9/11, un grand documentariste français, William Karel, s’était également penché sur la face cachée de l’Empire en s’attaquant à la CIA. Diffusé par Arte, co-écrit avec Alexandre Adler, CIA. Guerres Secrètes, en trois parties, promettait d’éclairer le fameux service de renseignement, qui ne cessait de faire la une en raison des attentats du 11 septembre et des mensonges ayant précédé l’invasion de l’Irak. Censé être un travail sérieux, il était manifeste qu’il était avant tout à charge, comme le laissait supposer le climat régnant en France et en Allemagne à l’époque et la médiocrité des commentaires lus et entendus alors. Je dois dire, en passant, qu’une décennie de guerres et d’opérations spéciales n’y ont pas changé grand’ chose, mais ne nous égarons pas, comme disait Grouchy.

CIA. Guerres secrètes.

J’ai revu les 2h36 du film avant d’écrire cette chronique, et je suis toujours incapable de vous dire de quoi Karel et Adler nous parlent. En 1987, Bob Woodward avait déjà publié un livre (que j’ai rapidement évoqué ici) traduit en français sous le titre, justement, de CIA. Guerres secrètes. 1981-1987. (Stock, 606 pages). Il y décrivait les opérations clandestines de l’agence en Amérique centrale, les manœuvres de couloir à Washington, les opérations associant Israéliens, Saoudiens, et Iraniens autour du Liban, et il y expliquait les évolutions de la communauté américaine du renseignement à la suite de la guerre du Vietnam, du Watergate et des dérives du FBI contre la contestation étudiante.

La CIA par Bob Woodward

En 156 minutes, William Karel fait mine de vouloir en dire plus, mais son propos est ailleurs. Organisé en trois époquess, (Opérations clandestines 1947-1977 ; La fin des illusions 1977-1989 ; D’une guerre à l’autre 1989-2001), son documentaire souffre de lourds défauts, et on aurait aimé qu’il partage avec le livre de Woodward autre chose que le titre. CIA. Guerres secrètes. n’est ainsi qu’une construction intellectuelle biaisée dont le seul but est de critiquer la CIA, et donc le pouvoir américain sans jamais convaincre.

La chose, en soi, est parfaitement respectable, et Dieu sait qu’on peut dire bien des choses sur ce service. Après tout, l’adoration sans faille est au moins aussi insupportable que la critique gratuite. Une fois de plus, ce qui pêche ici est le mélange de mauvaise foi et d’incompréhension crasse des ressorts profonds de la diplomatie américaine – à tel point qu’on croit parfois lire ou entendre Eric Laurent, c’est dire – et une méconnaissance absolue de ce que sont le renseignement et l’action clandestine.

Karel et son équipe ont pourtant rencontré des interlocuteurs de haut niveau, anciens directeurs, hommes de terrain, historiens, et ces entretiens sont, et de loin, le point fort du film. On a cependant rapidement l’impression que tout est orienté et que les témoignages ne sont là que pour soutenir une vision nécessairement très négative de la CIA et des Etats-Unis. Les propos de Robert Gates et de Frank Carlucci, par exemple, sont montés de telle façon qu’on ne peut que douter de leur sincérité, et ils ne servent aucunement à nourrir une réflexion.

A l’inverse de la méthode historique, William Karel et Alexandre Adler n’étudient, en effet, pas le matériau recueilli pour en tirer des conclusions. Ils choisissent, au contraire, les extraits pour alimenter une vision, et révèlent ainsi qu’ils sont les victimes, consentantes, d’un biais de confirmation qui ne déplairait pas à Gerald Bronner (in La Démocratie des Crédules, PUF, 2013, 360 pages). Comme souvent en France, la vision des Etats-Unis et de leur puissance repose sur une poignée de fortes pensées, bien connues, qui postulent que les Américains sont des crétins, que leur gouvernement est corrompu et que leurs services de renseignement sont nuls. Ces affirmations, qui seraient taxées de racisme si elles étaient proférées à l’encontre de la Turquie ou de la Corée du Sud, ne satisfont que les idiots et ne devraient pas faire l’objet de documentaires sur Arte. Bon, en même temps, si je vous parlais motoculture ou drones, hein…

Dieu sait qu’il y a des choses à dire sur la CIA – et le FBI, qui en prend aussi pour son grade – mais pas comme ça, pas sans rien comprendre. Le film évoque vaguement le Chili, survole le Nicaragua, la mort de Lumumba ou le projet Phoenix au Sud Viêtnam. Il prend bien soin de ne presque jamais adopter une perspective historique et préfère largement reprendre des explications caricaturales sur le pétrole du Golfe – sans, par exemple, mentionner le fait que s’il est américain il est consommé en Europe ou au Japon. On est censé parler de guerres secrètes, d’opérations illégales, de domination mondiale, et on a l’impression de voir une mauvaise adaptation de James Ellroy ou de James Grady.

Le principal défaut du film reste cependant le manque de clarté de son projet. De quoi parlons-nous ? D’impérialisme ? Non, car il manque quantité de réflexions de théoriciens, de diplomates, d’observateurs étrangers. De renseignement ? Non, pas vraiment, car on ne parle pas de méthodes, à peine d’organisation, et la description des relations entre la CIA et le Sénat, par exemple, est incomplète. Je défie d’ailleurs quiconque de comprendre l’affaire de l’Irangate à l’aide de ce seul film.  De corruption, de relations coupables ? Oui, mais en oubliant les tentatives de moralisation d’un métier qui ne peut être pratiqué par des séminaristes et démontrant une grande ignorance des caractéristiques de la nation américaine. Les sempiternelles leçons sur le complexe pétrolier texan et le poids des lobbys sont bien plus intéressantes chez Oliver Stone.

Le film ne devient finalement distrayant que lorsqu’il aborde le jihad et les événements ayant conduit aux attentats de septembre 2001. Il prend alors son temps, et on se dit qu’il aura donc fallu attendre plus d’une heure (au cours de laquelle on aura survolé un demi-siècle, une paille) pour enfin s’attaquer au sujet. Mais là encore on est déçu. Si Karel obtient des témoignages passionnants, il n’en fait rien et on reste, encore une fois, confronté à cette incohérence argumentaire typiquement française qui postule que tous ces gens sont des abrutis incompétents et qu’ils sont la puissance dominante.

Au final, on se demande bien ce que Karel et Adler ont voulu faire. Le film n’est pas une charge cruelle, il n’est pas un travail d’historien, et il faut peut-être le voir comme une tentative de vulgarisation. Mais on n’explique bien que ce qu’on comprend, et on ne peut pas déplorer l’ignorance de nos concitoyens quand on réalise que rien n’est fait pour les en affranchir.

Why don’t you connect the dots? Because the whole page’s black!

Le 1er mai 2013, deux ans après l’élimination d’Oussama Ben Laden par les petits gars de la SEAL Team Six, HBO a diffusé le documentaire Manhunt de Greg Barker. Déjà auteur, en 2009, d’un film remarqué, Sergio, consacré au diplomate brésilien Sérgio Vieira de Mello tué dans un attentat d’Al Qaïda à Bagdad le 19 août 2003, auteur de plusieurs épisodes de la série Frontline diffusée par la télévision publique impériale PBS, dont Ghosts of Rwanda (2004), Barker était sans doute l’homme de la situation pour relater la traque d’OBL par Washington.

Quelques mois après l’exceptionnel film de Kathryn Bigelow, Zero Dark Thirty, magistrale transposition romanesque de l’affaire, le besoin existait, sans le moindre doute, d’un authentique travail journalistique, sans esbroufe, présentant au public les efforts ayant abouti à la mort de l’ennemi public n°1 de l’Empire.

Manhunt Zero Dark Thirty

Greg Barker, en vétéran du documentaire, s’est parfaitement acquitté de cette mission, rendant un film passionnant, et sobre malgré quelques petits intermèdes sans grand intérêt. A partir du livre de Peter Bergen, Chasse à l’homme (2012), il s’est attaché à décrire la logique, à la fois de la traque du chef d’Al Qaïda, mais aussi de l’évolution de la campagne anti terroriste impériale.

De fait, Manhunt est bien plus que le simple récit d’une longue suite d’opérations clandestines. Il s’agit, avant tout, d’une nouvelle plongée, fascinante, dans les arcanes de la guerre mondiale contre le terrorisme initiée par l’Administration Bush et reprise, in extenso, par le président Obama. Grâce à des témoignages, nombreux et parfois passionnants, d’acteurs directs de cette traque, et grâce à des extraits choisis avec soin de vidéos parfois rarissimes, on peut suivre ainsi le cheminement de responsables de la lutte contre Al Qaïda, à commencer par les fameuses analystes, the sisterhood, qui exposent avec beaucoup de sincérité et d’émotion leur mission et leur dévouement.

Manhunt - Nada

Le film de Greg Barker doit, en effet, beaucoup aux entretiens, parfois très émouvants, avec ces membres de l’agence américaine qui racontent leur démarche, décrivent de l’intérieur le choc des attentats du 11 septembre, relatent l’accumulation de signaux inquiétants mais terriblement imprécis précédant les attaques de New York et Washington, laissant transparaître leur émotion au souvenir des collègues tué(e)s ou des injustices subies. La façon dont ces analystes décrivent la mouvance jihadiste, sa complexité, la multitude de ses points d’entrée est également un modèle du genre, et on apprend plus en les écoutant que dans la plupart des livres parus en français depuis des années. Je me permets d’ailleurs de saluer ici, très confraternellement, Nada Bakos et Cindy Storer, dont l’attitude, faite d’acharnement, de lucidité, d’imagination et de sensibilité, me semble incarner quelques unes des qualités indispensables à un analyste. Et j’ajoute, car c’est plus fort que moi, qu’ici aussi on a entendu de hauts responsables, dont un directeur, critiquer vertement les contre-terroristes, accusés de sabotage (sic) pour n’avoir pas vu venir le coup. Bref, je raconterai ça un jour.

Riche, rigoureux, Manhunt évoque l’usage de la torture, laisse s’exprimer les opinions contraires de Jose Rodriguez et Ali Soufan, et donne la parole au général McChrystal, dont les propos, d’un terrible pessimisme, mériteraient à eux-seuls d’être disséqués. On lit, en creux, comme d’autres ont pu le dire ou l’écrire, que la lutte contre Al Qaïda, qu’il n’est pas question de ne pas mener, avec la dernière énergie, est dans une impasse. Stanley McChrystal, lui aussi, évoque même une endless war et notre incapacité à formuler une réponse politique – à supposer qu’elle existe – et à savoir why the enemy is the enemy.

Et dire que Julie Lescaut raccroche…

J’avais salué ici ses immenses qualités, et c’est donc à regret que je ne pourrai assister, demain, à son intervention dans le cadre de nos cafés stratégiques.

Jeudi 11 avril, l’Alliance Géostratégique a, en effet, le plaisir d’accueillir au Concorde Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, qui viendra évoquer les liens entre la fiction télévisuelle et les questions de sécurité internationale. Un must, assurément.

« Alive day mémories: home from Iraq »

La capacité de l'Empire à regarder son passé ne cesse de m'impressionner. Pour un esprit européen, il s'agit probablement de voyeurisme, mais j'y vois, pour ma part, une démarche relevant de l'auto-exorcisme.

En 1987, Bill Couturié avait débauché quelques uns des plus grands noms du cinéma pour lire, dans le remarquable film "Dear America: Letters from Vietnam", des lettres d'anciens combattants (cf. http://finnish.imdb.com/title/tt0092851/). 

 

 

 

En 2007, James Gandolfini, l'immense Tony Soprano, se lance à son tour dans le documentaire guerrier en interviewant 10 vétérans de l'intervention en Irak.

 

Loin d'être une approbation des buts de guerre, et surtout des motifs avancés par l'Administration Bush, le film, qui est produit par HBO et très sobrement présenté par Gandolfini, nous place face à des anciens combattants, dont plusieurs sont revenus d'Irak sévèrement blessés. Leurs récits sont émouvants et en disent long sur le sacrifice consenti. Nous sommes loin des lourdes charges antimilitaristes de quelques staliniens attardés ou des délires guerriers d'apprentis commandos.

A voir, à revoir, et à méditer.