La République des petits bras

Dans son édition du 15 septembre, le quotidien Libération évoque l’arrestation en 2002 en Espagne de deux membres de la DGSE, manifestement en train de préparer ce qu’on appelle dans le jargon de la maison une « mission homo ». (cf. http://www.liberation.fr/societe/0101590997-les-agents-de-rondot-troublent-l-espagne).

Ces missions, rarement exécutées, sont planifiées par le Service Action de la Direction des Opérations et font l’objet d’intenses préparatifs, si concrets que les entraînements et autres répétitions ressemblent parfois à s’y méprendre à de véritables opérations. Qu’il me soit permis ici de saluer le courage de ces hommes, leur engagement au service de la République et les immenses compétences qu’ils ont développées et qu’ils entretiennent en attendant que nos dirigeants se souviennent que la France n’est pas que la patrie de Georges Bonnet.

Evidemment, on ne peut que regretter cette affaire, qui jette le doute sur les capacités de nos agents. Mais, comme le disait un sous-officier de mes connaissances, citant une de ces fortes pensées qui font le charme de l’institution militaire, « il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreur ». La révélation de ce mini fiasco cache surtout les succès, parfois miraculeux, que les services français enregistrent depuis des années, lors de la libération d’otages comme lors de démantèlements de cellules terroristes.

Un point me chagrine bien plus que cette mésaventure : il s’agit des réactions d’Alain Richard, alors Ministre de la Défense, et de Lionel Jospin, alors Premier ministre. Comme le rappelle Libération, les deux hommes « ont démenti avoir «envisagé ou encouragé» des projets «d’assassinats ciblés» après le 11 septembre 2001″. Fidèles à leur grand courage politique (le premier a toujours considéré le Ministère de la Défense comme une charge indigne de ses grandes qualités, et le second a « choisi de se retirer de la vie politique » après la déroute de 2002), nos deux anciens responsables réagissent comme deux premiers communiants surpris en train de feuilleter les pages « lingerie » du catalogue de La Redoute. Un service spécial ? pas au courant. Des commandos à Cercottes, Perpignan, Quelern ? Ah non, ça ne me dit rien. Des agents secrets entraînés à tuer des ennemis de la République ? Quelle idée. Et d’abord la France n’a pas d’ennemis, c’est bien connu.

Cette nouvelle lâcheté d’une partie de la classe politique française, celle-là même qui soutient les pires dictatures d’Afrique et enterre les enquêtes sur la mort de journalistes en Côte d’Ivoire, en Polynésie ou d’un magistrat à Djibouti, m’afflige. On me pardonnera, malgré toutes ces années, mon idéalisme.

Où est l’homme qui dira : « En effet, après le 11 septembre 2001, nous avons autorisé les services spécialisés à réaliser des dossiers d’objectif afin, le cas échéant, d’éliminer des menaces directes contre nos intérêts ou ceux de nos alliés. La responsabilité d’un responsable politique porté au pouvoir par l’expression de la volonté du peuple est de protéger celui-ci. » Sinon, on ferme et on transforme les centres du SA en hôtels de luxe.

J’ajoute, juste pour le plaisir, que l’Espagne abritait à l’époque plusieurs terroristes directement liés aux groupes jihadistes maghrébins et à Al Qaïda. Qui sait si l’élimination de quelques uns de ces aimables individus n’aurait pas empêché les attentats du 11 mars 2004 ? Mais non, mieux vaut nier, se défausser, parler de dérives barbouzardes.

Tiens, ça me fait penser à quelque chose : c’est le même gouvernement qui en septembre 2001 a interdit à certains services d’enqûeter sur l’explosion de l’usine AZF à Toulouse. Il y pire que le mensonge, c’est la peur de la vérité.

9 septembre 2001 : la mort du commandant Massoud

Il y a huit ans mourait dans un attentat-suicide le commandant Ahmed Shah Massoud, le Lion du Panshir, tacticien hors-pair, chef de guerre sans pitié, homme politique ambigu, personnage fascinant.

Curieusement, les conspirationnistes n’évoquent jamais cet attentat aux conséquences majeures, comme si la preuve irréfutable de la responsabilité d’Al Qaïda dans cette affaire les gênait. Mais on comprend que des esprits aussi tortueux préfèrent se perdre en discussions sans fin sur la résistance du béton des Twin Towers.

L’assassinat du commandant Massoud fut un succès majeur d’Al Qaïda. Pour la première fois, les responsables de l’organisation atteignirent en effet une de leurs principales cibles en associant étroitement lors de l’opération cellules maghrébines, à l’époque sans véritable leader, et réseaux jihadistes. Les deux terroristes ayant assassiné le chef de l’Alliance du Nord étaient en effet porteurs de passeports belges volés à Strasbourg et La Haye en 1999 et munis de faux visas pakistanais obtenus à Londres. Un passeport volé à Strasbourg dans la même série avait déjà été retrouvé en possession d’un terroriste marocain, Mustapha Maakoul, arrêté au Pakistan en 2000 alors qu’il préparait des attentats pour le compte d’Oussama Ben Laden.

Les deux assassins de Massoud avaient de surcroît bénéficié de l’aide décisive d’un islamiste radical égyptien basé à Londres, Yasser Toufik al Siri, le responsable de l’Islamic Observation Center. Ce sympathisant du Jihad Islamique égyptien et de la Gama’a Islamyyia avait en effet fourni aux terroristes une lettre d’accréditation et des cartes de presse de son organisme leur permettant de se faire passer pour des journalistes. La justice a estimé qu’il ignorait que ces documents allaient contribuer à la mort du chef de l’Alliance du Nord, mais l’intime conviction des services n’a pas changé. Je rends d’ailleurs ici hommage à l’analyste français qui, seul, et en pleine tourmente post-11 septembre, trouva la clé de cette affaire. Il se reconnaîtra.

Yasser Toufik al Siri était déjà bien connu des services de sécurité occidentaux et moyen-orientaux pour son implication dans la tentative d’assassinat, en 1993, du Premier ministre égyptien Atef Mohamed Sedki par un groupe nommé Les Avant-gardes de la Conquête, une expression chère au bon docteur Ayman al Zawahiry. Al Siri était également recherché par le FBI qui le soupçonnait d’avoir financé pour partie la cellule de Brooklyn ayant commis en 1993 le premier attentat contre le World Trade Center. La suite de l’enquête sur l’assassinat de Massoud permit de confirmer l’implication dans cette affaire d’un terroriste belge d’origine tunisienne né à Oran, Amor Sliti, responsable d’une filière de faux documents administratifs en Europe au profit des réseaux maghrébins. Quant aux veuves des assassins, elles furent accueillies aux Emirats Arabes Unis par Oum Bilal, la veuve de Redouane Laadjal alias Abou Bilal, l’ancien chef de la Maison des Algériens en Afghanistan.

Mais ceci est une autre histoire, qui nous conduirait en Stockholm, à Alger, à Londres. Une autre fois…

Que la guerre est facile vue de Paris

« La meilleure arme contre la démocratie ? 5 minutes avec un électeur lambda », disait le grand Winston Churchill. A la lecture des commentaires des internautes sur l’affaire de nos otages en Somalie, force est de constater que le Premier ministre britannique avait fait preuve d’une cruelle lucidité en lançant cette plaisanterie.

Capturés le 14 juillet derniers dans l’hôtel le plus protégé de Mogadiscio, les deux agents de la DGSE ont immédiatement provoqué l’hilarité de leurs concitoyens, à peine remis sans doute des beuveries du bal des pompiers. Rares ont été les voix pour attirer l’attention des Français sur les risques insensés que couraient nos deux compatriotes dans les mains des groupes islamistes radicaux somaliens. Il a en revanche été fait largement mention d’une rumeur, infondée, selon laquelle les deux militaires se faisaient passer pour des journalistes. Il n’en était rien, comme l’a admis le gérant de l’hôtel et comme n’ont cessé de l’affirmer les autorités françaises.

Si les stratèges de comptoir abandonnaient la lecture de certains quotidiens sportifs, ils réaliseraient – peut-être – que les services secrets français sont un des moyens les plus sûrs que la République utilise pour rayonner et surtout pour se préparer au pire. Parfois qualifié de « Service d’Assistance » par les militaires de la DGSE, le Service Action (SA) regroupe en réalité la fine fleur de la chevalerie et procède en permanence à des missions de soutien, de reconnaissance, et s’entraîne à intervenir dans des régions que les internautes, si prolixes, ne placent même pas sur une carte, et dans des conditions qui n’ont rien à voir avec les aventures des bidasses de la 7e compagnie.

Mais si le Français a raison de ne pas aimer la guerre, surtout après le nombre sidérant de défaites subies ces derniers siècles et les tueries homériques du 20e siècle, il a tort de pratiquer un antimilitarisme teinté d’omniscience, ce trait de caractère gaulois qui fait de la France la patrie de Thierry Meyssan. Les remarques lues aujourd’hui sur nos deux agents sont en effet d’une étourdissante bêtise et révèlent l’ambivalence de nos concitoyens vis-à-vis de la chose militaire. Avides de gloire mais frustrés après tant de roustes, ils en sont réduits à idolâtrer des chauffeurs de taxi marseillais et à refaire les guerres devant un pastis. Surtout, ils n’ont pas de mots assez durs pour fustiger leurs alliés, américains et britanniques, et ils ne cachent pas longtemps leur fascination pour la Wehrmacht. Car le Français, beau parleur, a le discours d’un Empire avec les moyens d’une principauté d’opérette.

Que des militaires aient pu être capturés en soutenant le moribond régime somalien contre les jihadistes ou les pirates, voilà qui nourrit l’ironie de nos vétérans du dimanche. Que l’un d’entre eux se soit échappé, et c’est le délire, curieux mélange de gloire cocardière et de scepticisme ignare.

En réalité, les choses devraient être simples. L’internaute du Monde, du Figaro ou de Libération devrait admettre, une fois pour toutes, qu’il ne sait pas tout parce qu’il ne peut/doit pas tout savoir. Il devrait également accepter, comme votre serviteur, qu’il n’a pas son mot à dire pour des operations SECRETES, et que s’il a le droit de s’interroger, il devrait REFLECHIR avant de commenter des articles écrits à la va-vite. Internet devait tuer l’écrit. On n’a jamais autant écrit. Mais on n’a jamais écrit autant de c…

Quand le Canard Enchaîné sort de son champ de compétences.

« Hebdomadaire satirique paraissant le mercredi », le Canard Enchaîné est sans doute la dernière preuve que nous vivons dans une démocratie et pas dans une république bananière.

Pourtant, de temps à autres, probablement aveuglés par des certitudes idéologiques et une ignorance assez crasse des questions de défense, les journalistes du respecté palmipède se laissent aller à des déclarations hâtives. Ainsi, dans l’édition du jour, un certain P. L – sans doute Patrice Lestrohan – avance sans autre preuve que son propre parti-pris une affirmation plus que discutable sur le bilan de la CIA contre les dirigeants d’Al Qaïda.

Nul ne contestera l’échec du renseignement américain à l’occasion du 11 septembre 2001 – même s’il convient de blâmer d’abord le FBI, et s’il faut rester prudent dès que l’on parle de faillite du renseignement, surtout en France… J’y reviendrai.

Nul ne discutera non plus le caractère abject de certaines des pratiques de la CIA à l’encontre de ses prisonniers. La torture est indigne d’une démocratie – j’y reviendrai prochainement – et n’est de toute façon d’aucune utilité contre des prisonniers déconnectés de leurs réseaux. Dans d’autres circonstances…

Mais, hélas pour les amateurs plus ou moins éclairés du Canard, le bilan de la CIA contre les responsables d’Al Qaïda est bon, très bon même. Passée la stupeur devant l’ampleur de la catastrophe de septembre 2001, l’agence a su retrouver les méthodes du renseignement humain (HUMINT) et surtout est passée à l’action. L’élimination lors des premiers raids aériens sur l’Afghanistan de Mohamed Atef, alias Abou Hafs al Masri, l’adjoint d’Oussama Ben Laden, ou celle de Juma Namangani, émir du Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO) ont montré la rapidité avec laquelle la CIA avait su tranformer en actions concrètes les renseignements recueillis par la NSA ou transmis par ses alliés. Les arrestations successives d’Abou Zoubeida ou de Khaled Sheikh Mohamed, comme les morts successives des émirs d’Al Qaïda en Irak, en Arabie saoudite ou au Pakistan, comme les disparitions prématurées de certains opérationnels au Yémen, aux Philippines ou en Somalie, ont largement fait la preuve de la santé retrouvée de la CIA. Les raids réguliers dans les zones tribales pakistanaises font peser sur l’état-major d’Al Qaïda comme sur les Talibans une pression à peine supportable. Même Oussama Ben Laden, malgré d’infinies précautions, semble avoir succombé aux coups vengeurs de l’Empire, soit directement grâce à impact direct de Hellfire, soit indirectement, la vieille carcasse du terroriste n’ayant pas résisté à cette fuite incessante.

L’agence va désormais devoir s’expliquer sur son obéissance aveugle aux ordres des hystériques conduits par Cheney. Mais il faudra bien veiller à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain…

La CIA et les « exécutions extra-judiciaires » : soit on fait la guerre, soit on ne la fait pas.

Je le dis tout net, tuer des terroristes lors d’opérations militaires en Algérie, dans le Sahel, en Somalie, dans le Golfe, en Irak ou en Afghanistan ne me pose pas de problème moral particulier. La tristesse liée à la mort d’un être humain est largement compensée par la satisfaction du devoir accompli, mais le membre d’un groupe terroriste tué ou capturé alors qu’il combat au sein d’une guérilla doit être considéré comme un combattant relevant des différentes conventions de Genève relatives au droit de la guerre, et non comme un « non-être juridique », selon les principes de l’Administration Bush.

Deux solutions s’offrent face à des groupes terroristes assez puissants pour contester la souveraineté d’Etats sur leurs territoires, comme au nord du Nigeria, en Somalie ou au Pakistan : la judiciarisation ou l’élimination. Pour ma part, j’ai choisi le pragmatisme.

La judiciarisation est la solution la plus acceptable, aussi bien moralement que politiquement. Je reste ainsi persuadé que les unités américaines présentes en Afghanistan en octobre 2001 auraient mieux fait de remettre leurs prisonniers au FBI, compétent dans le monde entier pour les questions de terrorisme, plutôt que de les confier aux agents de la DIA, le service de renseignement du Pentagone, que l’on sait incapable de mener une enquête sérieuse et encore moins un interrogatoire digne de ce nom. La remise des prisonniers à la justice américaine aurait permis d’éviter la création des fameuses prisons secrètes de la CIA – dont l’utilité fut, hélas, réelle, mais dans de bien difficiles conditions – et surtout l’apparition de ce cancer diplomatique qu’est le camp X-Ray de Guantanamo.

La judiciarisation n’est pas hélas pas toujours si simple ni si pratique. Souvenons-nous de Djamel Beghal, arrêté à Dubaï en juillet 2001, détenu illégalement et torturé par les services émiratis, avant d’être remis à la justice française dans de troubles circonstances… Ah, qui n’a pas rêvé devant un Transall sans cocarde se posant sur une base militaire du Golfe avec à son bord des membres de la DST. La justice emprunte parfois des voies bien tortueuses.

L’action clandestine, aux ordres du pouvoir politique, peut parfois avoir du bon. Dans certains cas, je suis au regret de dire aux belles âmes que l’élimination d’un terroriste par un groupe des forces spéciales ou par un service de renseignement peut avoir de bons côtés. Elégamment qualifiées par les Israéliens d’assassinats ciblés – mais je ne parviens pas comprendre ce que pourrait être un « assassinat non ciblé », ces opérations doivent être comprises comme des « retraits », comparables à ceux pratiqués par les « blade runners » sur les « répliquants » dans le roman de Philip K. Dick. Il s’agit de traiter une menace, de la gérer au mieux, et si possible d’éviter les dommages collatéraux.

La question de ces « retraits » est un défi moral et administratif majeur dans nos démocraties démobilisées par 60 années de paix et sclérosées par la « course aux honneurs », qui décourage l’initiative et favorise les hiérarchies sans énergie. Car quoi que l’on pense des donneurs d’ordre et de leurs ordres, il faut leur reconnaître le courage, si rare, surtout dans notre pays et dans certains de ses services, d’assumer leur commandement et d’en faire usage. Aux Etats-Unis, les moyens financiers colossaux et un réel sens du secret permettent parfois aux directeurs un peu nerveux de déléguer à d’autres le soin d’accomplir leurs missions.

La presse américaine a ainsi récemment récemment que la CIA avait, en 2004, confié à des prestataires extérieurs le soin de traquer et d’éliminer des émirs d’Al Qaïda. Et l’on apprend aujourd’hui que ces mystérieux prestataires n’étaient autres que les poètes de Blackwater, aimable société militaire privée (SMP, mais en France on dit « mercenaires », en tout cas pour l’instant), connue pour son goût du massacre de civils irakiens et la qualité plus que moyenne de ses employés.

Comme mus par un réflexe pavlovien, la presse et un grand nombre d’observateurs se déchaînent devant cette nouvelle preuve des dérives de la Présidence Bush. Mais que critique-t-on précisément ? Le recours à des mercenaires pour des missions relevant de la seule autorité de l’Etat, ou le fait que la CIA ait décidé d’éliminer clandestinement des responsables terroristes ?

La semaine dernière, le point le plus critiqué était le fait que les services américains avaient lancé un programme d’élimination, comme si le fait de vouloir abattre ces ennemis était répréhensible. Tous les services du monde font cela, pour la simple et bonne raison qu’ils ont été conçus pour cette mission. En France, les préparatifs de ces opérations sont bien connus dans le milieu militaire sous le sigle (ah ! les sigles militaires français…) de RFA : Reconnaissance à Fins d’Action (RFA). Ils sont régulièrement pratiqués, sans jamais aller au bout, jusqu’au jour où… Il y a, dans ces exclamations choquées, la preuve d’une candeur presque criminelle et un parti-pris moralisateur bien éloigné des réalités du monde.

En fait, le véritable scandale, dans cette affaire, ne réside pas dans le fait que la CIA ait voulu tuer des terroristes, mais bien dans le fait qu’elle ait « externalisé cette prestation », comme on externalise une cantine scolaire. En confiant à des « amateurs » le soin d’identifier puis d’éliminer des ennemis, la CIA a délibérément fui ses responsabilités, plus par crainte de l’échec que par désapprobation morale. Elle a surtout pris un risque politique majeur, et on ne peut que se féliciter que les quelques millions de dollars donnés par l’agence de Langley n’ait abouti à aucune action. Nul doute en effet que les employés de Blackwater auraient laissé derrière eux autant d’indices qu’une bande de scouts, et je ne parle même pas des éventuels échecs, bavures, etc.

Soyons donc clairs sur un point fondamental : quand on fait la guerre, ou du moins quand on a la prétention de la faire, il faut la faire soi-même. Il ne s’agit pas de confiance dans ses capacités, il s’agit d’honneur et de responsabilité. Confier à des nostalgiques des « Oies sauvages » de telles missions n’est ni plus ni moins que de la lâcheté.

 

NB : En réponse à une question du Docteur Ayman al Z, de Peswhawar (Pakistan), je me permets d’éclaircir encore ma position. Soit nous vous arrêtons et nous vous jugeons de façon impartiale, soit votre arrestation est impossible pour des raisons techniques et nous vous éliminons. La peine de mort ne pouvant être requise contre vous, nous vous offrons le risque d’une condamnation à la prison à vie en échange d’une occasion de vous expliquer sur la motivation de vos actes. Sinon, un groupe de soldats d’élite et un drone régleront la question de façon plus définitive. Dans les deux cas, il ne s’agit pas tant de rendre la justice que de gérer une menace.

Afghanistan : les guerres de l’Empire

Un soldat français est mort hier en Afghanistan, et deux de ses camarades ont été blessés, lors de combats contre ceux que l'on appelle pudiquement les "insurgés", mais qui sont en réalité des Talibans auxquels se mêlent quelques jihadistes. Ces pertes, prélevées dans les rangs du 3e RIMa, incarnent tristement la réalité d'une guerre que les Français ne comprennent pas, par ignorance et aveuglement. Très révélateurs sont à cet égard les commentaires que l'on trouve sur les sites Internet du Monde et de Libération. On n'y entend parler que de guerre coloniale, de politique servile à l'égard des Etats-Unis, de combattants trop jeunes, etc.

Il n'est que temps de rétablir quelques vérités et d'asséner quelques coups aux dogmes que les Français, Munichois dans l'âme, ne cessent de véhiculer dans le vaste monde.

Chaque siècle a son centre de gravité géographique. Après la guerre civile européenne (1914-1945) entraînée par le conflit franco-prussien de 1870-1871, qui a mis l'Europe au centre du monde avant de sceller son déclin au profit des Etats-Unis, le Vieux Continent si cher à Dominique de Villepin dominait outrageusement les débats internationaux, ignorant le reste du monde ou au contraire le conquérant.

L'effacement de l'Europe, ou plutôt son changement de statut, la faisant passer de maîtresse du monde à l'enjeu d'une lutte entre deux systèmes, a laissé la place à une multitude de conflits nés de la décolonisation. L'Afrique a sombré, l'Amérique du Sud surnage, l'Extrême-Orient s'en sort haut la main, le Moyen-Orient se débat dans ses contradictions et les regards se tournent avec inquiétude vers l'Asie du Sud. Là convergent en effet toutes les tensions de notre monde : crises nucléaires, radicalismes religieux, nationalismes exacerbés, pauvreté extrême, etc.

Après les tentatives russes et britanniques au 19ème siècle, puis l'invasion soviétique de décembre 1979 et désormais l'intervention occidentale déclenchée en octobre 2001, l'Afghanistan demeure, plus que jamais, le centre du monde stratégique. La vitalité, ou les dérives, du débat d'idées dans l'Occident post-11 septembre placent également ce pays au coeur des polémiques. Comme aux temps de la Guerre froide s'affrontent, pour de bonnes et de mauvaises raisons, et avec de bons et de mauvais arguments, les partisans de l'intervention occidentale et ses détracteurs. Tout y passe, de l'antiaméricanisme le plus primaire au néoconservatisme le plus échevelé, tout cela teinté de radicalisme religieux, de tiers-mondisme réécrit et d'antimilitarisme imbécile - ou d'ignorance crasse de la chose militaire.

Les plus curieux pourront lire ce classique de Zbigniew Brzezinski, "Le grand échiquier", à la fois belle initiation à la géostratégie impériale et état du monde assez lucide, bien que sans doute légèrement daté.

On pourra également voir avec intérêt le film de Mike Nichols, "La guerre selon Charlie Wilson", certes un peu outré mais néanmoins éclairant. Je préfère pour ma part les livres de Peter Bergen, voire le chef d'oeuvre de Robert Littell "La Compagnie". 

Mais attaquons-nous, comme promis, aux fadaises que l'on lit ici et là :

1/ L'intervention américaine en Afghanistan est une entreprise illégale.

Déclenchée le 7 octobre 2001 par les Etats-Unis sous le nom d'opération "Enduring Freedom", l'intervention contre les Talibans est une riposte aux attentats du 11 septembre 2001 à New-York et Washington. Seuls des individus à l'intellect limité et/ou aux motivations douteuses osent encore affirmer que ces attentats sont le fruit d'un complot américano-israélien dont la finalité change régulièrement en fonction des réfutations. Cette opération est validée par les Nations unies par deux résolutions (analyse contestée par le collectif Echec à la guerre, cf. http://www.echecalaguerre.org/index.php?id=49, qui oublie en passant la Résolution 1267 de 1999 établissant un lien direct entre le régime des Talibans et Al Qaïda et sanctionnant les deux entités et suggère que les Etats-Unis ne disposent d'aucune preuve contre Oussama Ben Laden, mais passons) et endossée par l'OTAN.

Cette intervention militaire, qui entraîne la chute rapide du régime talêb, conduit les factions afghanes à se réunir à Bonn en décembre 2001 sous les auspices de l'ONU. Celle-ci crée, le 20 décembre 2001, par la résolution 1386, l'International Security Assistance Force (ISAF, cf. http://www.nato.int/ISAF/topics/mandate/unscr/resolution_1386.pdf) qui ne se substitue pas à Enduring Freedom mais est censée la compléter en rétablissant un semblant d'ordre en Afghanistan (cf. http://www.nato.int/ISAF/docu/official_texts/index.html). Les troupes françaises, présentes dans le pays AVANT les attentats, puisque le commandant Massoud, assassiné le 9 septembre 2001, disposait d'un détachement de membres de la DGSE, ne participent pas aux premiers combats au sol mais interviennent dans les airs (raids) et sur mer (patrouilles en mer d'Arabie).

La décision de soutenir les Etats-Unis dès ce moment n'est nullement le fait du Président Sarkozy, alors réfugié à Neuilly, mais celle, CONJOINTE, du Président Chirac et du Premier ministre Jospin. A part quelques voix isolées à l'extrême-gauche et à l'extrême-droite et les habituels exaltés et autres nostalgiques, personne ne s'oppose à cette intervention...

2/ L'intervention occidentale est illégitime.

Tous les arguments des apprentis juristes au sujet de l'Afghanistan se heurtent à un écueil de taille : l'émirat talêb n'a jamais fait l'objet de la moindre reconnaissance internationale, et il n'est pas absurde de considérer ce régime comme le premier Etat voyou dénoncé par l'ONU. Seuls au sein de la communauté internationale, le Pakistan, les Emirats Arabes Unis et l'Arabie saoudite avaient en effet reconnu en 1996 la prise du pouvoir à Kaboul par les étudiants en religion, aussi bien pour des raisons stratégiques qu'idéologiques et religieuses. Dans ces conditions, l'intervention occidentale dans le pays est parfaitement légitime, puisqu'elle s'en prend à un régime illégal, qui plus est dénoncé pour ses innombrables exactions : exécutions publiques, soutien à Al Qaïda, destruction de trésors de l'humanité comme les Boudhas de Bamyan (avec la complicité amicale de l'armée pakistanaise, soit dit en passant).

Considérant donc que ce régime n'avait aucune existence légale et qu'il représentait une menace aussi bien pour sa population que pour de nombreux Etats, la Coalition engagée dans le pays, aux côtés des Etats-Unis dans Enduring Freedom comme au sein de l'ISAF, fait ce que les Européens n'ont pas su faire dans les années '30 contre le IIIe Reich naissant.

3/ Aucune menace ne provient d'Afghanistan

Les esprits purs qui dénoncent cette intervention affirment également qu'aucune menace terroriste ne provient d'Afghanistan. Je laisse de côté les théories conspirationnistes qui relèvent de la psychiatrie pour me concentrer sur quelques faits pour le moins troublants, mais sans doute ignorés, ou "oubliés", de nos stratèges en chambre.

- Dès 1997, la justice française diffuse une commission rogatoire internationale (CRI) consacrée aux "volontaires afghans", c'est-à-dire aux islamistes radicaux ayant reçu dans le pays un entraînement paramilitaire ET un endoctrinement jihadiste. Souvenons-nous que les enquêteurs de la DST ayant travaillé sur l'attentat de Port-Royal (3 décembre 1996 à Paris) ont remonté la trace de la lettre reçue à l'Elysée et exigeant la conversion du Président Chirac à l'islam. Et cette piste nous conduit tout droit aux camps pakistanais abritant les jihadistes arabes alliés aux Talibans. Faut-il y voir un complot ?

- En 1998, les services de renseignement français obtiennent de haute lutte de leurs homologues pakistanais les factures détaillées du téléphone utilisé par Abou Zoubeida, le responsable des filières de volontaires d'Al Qaïda. L'étude de ces listings permettra de découvrir 1/ que le réseau téléphonique des Talibans est entièrement pris en charge par l'Etat pakistanais 2/ surtout que les appels d'Abou Zoubeida concernent le gotha de l'islamisme radical mondial. Pas un terroriste un tant soit peu sérieux qui ne soit appelé par Abou Zoubeida. Et inversement, les perquisitions et arrestations effectuées en Europe, au Canada, au Moyen-Orient, en Afrique de l'Est ou en Asie du Sud-Est révèlent que le numéro de téléphone de notre ami est connu de tous les terroristes. "Il n'y a pas de menace en Afghanistan", comme l'aurait dit un colonel que j'ai bien connu ? Difficile d'expliquer alors pourquoi les jihadistes arrêtés alors qu'ils s'apprêtaient à attaquer l'ambassade américaine à Amman, la cathédrale de Strasbourg, ou les stades de la coupe du monde de football en France en 1998 gardaient le numéro d'Abou Zoubeida au fond de leur portefeuille. Sans doute pour parler du temps... Tous ces individus ont reçu dans les camps afghans un entraînement et un endoctrinement solides dispensés par de grands opérationnels d'Al Qaïda et par les idéologues du Londonistan. Alors, pas de menace ?

Mais il y a plus grave encore. Les "Afghans arabes", comme on les appelle dans les services, ont profondément déstabilisé l'Algérie ou l'Egypte dans les années '90 en y important leur volonté de mener le jihad mondial et d'y instaurer des régimes islamistes radicaux. Faut-il penser, comme François Burgat, que nous aurions dû laisser leur chance à ces expériences ? Ou faut-il, comme votre serviteur, considérer qu'il faut soutenir les Etats confrontés à une telle menace - mais en leur demandant des comptes, ce que la France ne fait jamais.

Les attentats du 11 septembre ont été planifiés en Afghanistan, quoi qu'en disent certains gourous pédophiles et ufologues ou des pacifistes qui tueraient pour leur auto-radio. Mais ils ne sont pas les seuls. Le projet de Richard Reid contre le vol American Airlines 63 du 22 décembre 2001, l'attentat contre la synagogue de la Ghriba le 11 avril 2002 à Djerba ou les attentats du 7 juillet 2005 à Londres ont été organisés depuis le sud de l'Afghanistan et les zones tribales pakistanaises.

4/ Les talibans ont été créés par la CIA.

Là, il faut reconnaître un point important et je vous invite à lire avec attention les lignes qui vont suivre. Non seulement les Talibans ont été créés par la CIA, mais des travaux récents indiquent même que le Prophète serait en réalité un agent de la CIA projeté dans le passé grâce aux machines extra-terrestres stockées dans la zone 51, au nord de Nellis AFB (Nevada). Une autre hypothèse indique que le Prophète serait un agent byzantin, mais la vidéo du 7e siècle promise par Thierry Meyssan n'est pas visible sur un lecteur DVD zone 2. 

Soyons sérieux. S'il est exact - et nullement caché - que les Etats-Unis ont apporté leur soutien au projet ARS/EAU/Pakistan de financer la résistance afghane en jouant sur l'islam, il est tout autant avéré que les Etats-Unis, comme la France ou le Royaume-Uni qui étaient dans le coup, ont été abusés par ces trois Etats musulmans radicaux qui ont profité de l'argent occidental pour financer le développement de l'islam radical à leur profit, essentiellement contre l'influence iranienne. Mais justement, d'où provient cet islam radical ? La CIA a-t-elle créé la Confrérie des Frères Musulmans en 1928 en Egypte ? Ou alors l'école de pensée déobandie ? La CIA a-t-elle inspiré le grand juriste al Mawardi (10e siècle) qui écrit que le 6e devoir incombant à l'imam est la conduite du jihad, "contre ceux qui refusent d'embrasser la religion musulmane" et "afin de permettre à l'islam de l'emporter sur les autres religions" ?

Il faut donc revoir quelques fondamentaux et poser les choses avec froideur. Oui, la guerre en Afghanistan est une guerre impériale. Il s'agit pour l'Empire de porter le combat chez l'ennemi et donc de ne pas l'attendre sur nos fragiles remparts. Nous sommes là face à une classique stratégie romaine consistant à dépasser le limes pour soumettre des barbares sans conquérir leur territoire. C'est ce que l'Occident fait dans les Balkans depuis près de 20 ans, et pour encore 20 ans. En Afghanistan, il faut évidemment abandonner le projet idiot de vouloir imposer à des populations que nous ne comprenons pas nos modes de vie et de gouvernement, mais il faut par ailleurs poursuivre nos actions de combat. A ce sujet, les parlementaires britanniques ne s'y sont pas trompés, en critiquant vertement l'engagement de l'ISAF et l'absence totale de début de mise en oeuvre du projet officiel de "nation building". Paradoxalement, les opérations purement militaires d'Enduring Freedom pourraient bien être les plus productives, à la fois en éliminant des adversaires et en clarifiant la situation par une accélération de la crise régionale. N'oublions pas que la crise religieuse et ethnique qui secoue l'Afghanistan ET le Pakistan est un héritage direct de la partition de l'Empire britannique des Indes en 1947 et qu'elle couve, de façon plus ou moins spectaculaire, depuis cette date. Après tout, le Pakistan est avant un tout un Etat confessionnnel et il est naturel qu'il soit touché par la profonde crise que connaît l'islam.

Alors, oui, bien que cela soit d'une infinie tristesse, il faut continuer à se battre en Afghanistan, à y tuer des Talibans et des jihadistes tout en tentant, tant bien que mal, d'y appliquer les doctrines classiques de la contre-guérilla. Et il convient surtout de rendre hommage à nos soldats - et se rappeler, contrairement à ce que pensent certains internautes, que les combattants sont TOUJOURS jeunes. Mourir à 22 ans est évidemment une tragédie, mais je vois mal un retraité courir de rocher en rocher avec son Famas, et j'en connais même qui ne sauraient pas le faire à 30 ans...

J'ajoute pour finir qu'hier le Monde a également annoncé la mort au Pakistan de six chrétiens accusés d'avoir profané le Coran, mais les Français semblent trouver cela parfaitement normal. Sans doute une de ces aimables coutumes orientales que Kippling évoquait dans ses nouvelles...

Moines de Tibéhirine : qui sont les témoins ?

Comme les rediffusions de « La grande vadrouille » occupent régulièrement les écrans de la télévision française, l’affaire des moines de Tibéhirine revient régulièrement à la une de notre presse, à l’occasion de révélations toujours plus fracassantes et toujours plus tardives d’individus prétendant savoir.

Mais il leur manque une qualité essentielle : qu’ont-ils vu ? qu’ont-ils entendu ? étaient-ils avec les agents de la DST à Alger ? Ceux de la DSGE à Londres avec le Mi-5 à tenter d’obtenir des rédacteurs d’Al Ansar des informations sur les auteurs du rapt ? Ou alors étaient-ils membres du COS, prêts à intervenir en hélicoptère dans les maquis de Médéa pour exfiltrer les moines ?

Non. Voilà nos témoins :

  1. Le général Buchwalter, ancien Attaché de défense, déjà auteur il y a quelques mois d’une interview anonyme dans un quotidien italien dans laquelle il exposait la même thèse. 2 remarques s’imposent d’emblée : le général ne semble pas envisager qu’il puisse être manipulé – et on retrouve là la délicieuse candeur teintée d’arrogance de certains officiers français, seuls découvreures/détenteurs de la vérité. Et de plus, le jour où la Direction du Renseignement Militaire (DRM), gestionnaire de nos AD, se montrera capable de gérer des sources humaines, la terre aura sans doute changé de sens de rotation.

  2. Le père Armand Veilleux, procureur général de la congrégation de l’ordre des Cistrerciens en 1996, qui dans une longue interview au Figaro Magazine (!), aligne avec la certitude de ceux qui ont la foi une liste d’idioties à faire pâlir. N’ayant évidemment rien vu lui-même, il cite Abdelkader Tigha, un ancien des services algériens dont la DGSE n’a pas voulu comme source tant l’homme paraissait suspect, exalté et prêt à tout pour faire passer ses thèses. Dans le même article, le père Veilleux, que l’on espère plus à l’aise en théologie qu’en recueil de renseignements, affirme avec aplomb que « les deux services [français et algériens] travaillaient toujours ensemble. (…). Si ce vrai-faux enlèvement est une répétition  de celui des années précédentes, cela signifie que, comme celui des années précédentes, il aurait été planifié par les services algériens et français ». On croit rêver ! 2 questions pourtant : de quels services français parle-t-on ? Sans doute pas de la DGSE qui a toujours entretenu avec les services algériens des relations extrêmement difficiles et tendues. Et quelles sont les preuves avancées pour oser affirmer, acte d’une rare gravité, que les services de la République sont impliqués dans la mort de 7 citoyens français ? Le vieillesse est donc également un naufrage chez les religieux…

  3. Les mêmes approximations sont véhiculées par Mohamed Samraoui dans « Chronique des années de sang », délire dans lequel on apprend que Djamel Zitouni, émir du GIA, se promenait dans les couloirs des services à Alger avec son badge autour du cou.

Aucun de ces auteurs ou témoins n’a jamais rien vu de l’affaire des moines. La thèse de la manipulation, qui sert évidemment des intérêts politiques – comme le dit le juge Bruguière dans l’interview infra – illustre surtout l’incroyable suffisance de ceux qui osent parler d’un tel sujet tout en ignorant tout de la vie secrète des Etats. Il existe des témoins, il existe des archives – bien tenues d’ailleurs – et il existe des explications, mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre. Dans son article du Point daté du 9 juillet dernier, Mireille Duteil aurait mieux fait d’utiliser le conditionnel. De la part d’une journaliste française, l’excès d’affirmations nuit toujours à la crédibilité du propos, dans un pays où rien de ce qui s’écrit n’a pas été validé et relu 10 fois…

Infra : le texte de l’entretien de Jean-Louis Bruguière avec Christophe Barbier, de l’Express :

L’ex-magistrat antiterroriste Jean-Louis Bruguière est attaqué sur la manière dont il a instruit l’affaire des moines tués en 1996 en Algérie. Il répond à l’avocat des proches des victimes.

L’avocat des proches des moines de Tibéhirine, Me Patrick Baudouin, critique violemment, en particulier sur le site Mediapart, la façon dont vous avez instruit ce dossier. Vous auriez refusé d’entendre le général Buchwalter, qui affirme que les religieux ont été victimes d’une bavure de l’armée algérienne. Que répondez-vous ?

Je ne voulais pas évoquer cette affaire encore à l’instruction, mais ne peux me taire devant les propos mensongers et injurieux de Me Baudouin. Il affirme, par exemple, qu’il m’avait fourni le nom du général Buchwalter: c’est entièrement faux. L’avocat des parties civiles m’avait adressé une longue liste de personnes à entendre, allant d’Alain Juppé à un spécialiste belge du terrorisme. Le responsable de la DGSE et l’attaché militaire de l’ambassade de France en Algérie figuraient sur la liste, mais sans leurs noms. Le second, à l’époque, n’a jamais évoqué une participation de l’armée algérienne comme il le fait aujourd’hui. Je rappelle que le général Buchwalter pouvait à tout moment me contacter, je l’aurais entendu sur-le-champ. Il a tout de même mis treize ans pour se manifester auprès de la justice. J’ai entendu à l’époque le général Rondot, mais sa déposition n’a pas, selon toute vraisemblance, plu à Me Baudouin, qui a ses bons et ses mauvais généraux!

Comme l’affirme Me Baudouin, avez-vous délibérément orienté l’enquête pour écarter la responsabilité des autorités algériennes?

Encore une formule inacceptable et mensongère! En réalité, depuis le début, cet avocat veut démontrer que les services algériens sont impliqués dans ces meurtres avec la participation de la France; la droite, alors au pouvoir, étant évidemment complice… Me Baudouin ne défend pas l’intérêt des victimes en se faisant de la publicité avec une polémique purement idéologique.

Qu’avez-vous fait ?

Il fallait étayer ce dossier. J’ai entendu le père Veilleux, le supérieur des moines. Ensuite, je me suis rendu en Algérie pour recueillir des éléments d’enquête. Cela n’a pas été facile, car Alger a refusé en 2005 une première commission rogatoire internationale, et j’ai dû batailler pour m’y rendre l’année suivante. J’ai ainsi récupéré notamment les communiqués du Groupe islamique armé (GIA), qui reconnaissait avoir enlevé et assassiné les moines. A mon retour, j’ai entendu les quatre personnes au plus près des événements. D’abord l’ambassadeur de France à Alger, Michel Lévêque, ce qui a aussi été difficile, car le diplomate à la retraite ne voulait pas se déplacer. Il a fallu que j’insiste pour qu’il change d’avis. J’ai aussi entendu Hubert Colin de Verdière, le directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Hervé de Charette. J’ai ensuite reçu le général Rondot, parti à Alger pour le compte de la DST, et enfin Jacques Dewatre, le responsable de la DGSE. Me Baudouin a visiblement à peine regardé ces procès-verbaux, au point qu’aujourd’hui il parle du « général Dewatre », alors qu’il était préfet!

Dans son interview, Me Baudouin déclare que vous étiez à l’époque « intouchable », que vous faisiez « régner l’omerta » au palais de justice de Paris et que vous auriez fait « des pieds et des mains » pour obtenir ce dossier auprès de la chancellerie…

Autre déclaration délibérément calomnieuse et outrancière. L’omerta fait référence à la mafia italienne. De plus, cet avocat, pour les besoins de sa démonstration selon laquelle j’étais à la solde du pouvoir, va jusqu’à commettre une erreur de procédure qu’aucun avocat, même débutant, ne pourrait faire: ce n’est pas le ministère de la Justice qui attribue des dossiers aux juges d’instruction, mais le président du tribunal et, en l’espèce, celui de Paris. Me Baudouin n’a jamais déposé de requête en suspicion légitime pour obtenir un changement de juge, ce qui était son droit le plus absolu. Il aurait voulu choisir son juge, le service enquêteur et les faits qui vont dans le sens de sa démonstration politique. Ce n’est pas ainsi qu’on défend les intérêts des victimes ni ceux de la justice. Contrairement à ce que tente de faire croire Me Baudouin, je n’ai jamais été de parti pris et toujours ouvert au dialogue. Me Baudouin est un imposteur qui tente d’abuser de la crédulité de l’opinion publique.

Des moines, des barbouzes, des terroristes…

On reparle de nouveau de la douloureuse affaire des moines de Tibéhirine, assassinés dans des circonstances pour le moins mystérieuses au printemps 1996.

Deux camps s’affrontent dans cette histoire, et comme d’habitude les thèses sont, de prime abord, irréconciliables. D’un côté, les autorités algériennes et françaises qui considèrent, non sans éléments solides, que ces assassinats ont été perpétrés par le GIA (Groupe Islamique Armé, pour ceux qui ne lisent pas l’arabe et ne traduisent donc pas le sceau du groupe, ou ceux, infiniment plus nombreux, qui développent le sigle sans réflechir ni vérifier : Groupes Islamiques Armés, Groupe Islamique Algérien, pourquoi pas Groupe des Indiens Autodidactes ?). Bref. De l’autre côté, on trouve les mêmes conspirateurs de pacotille, toujours prompts à voir des complots partout, en particulier en Algérie, terre mystérieuse s’il en est.

Une fois de plus, il y a sans doute à prendre dans chaque discours, même si mon expérience me conduit modestement à préférer la version des autorités de Paris.

Essayons, pour le plaisir, de nous lancer dans un scénario :

1/ Un groupe islamiste capture sur un coup de tête les 7 moines trappistes le 27 mars 1996. Les religieux français étaient connus dans la région de Médéa pour leur neutralité. Ont-ils accueilli des terroristes traqués par l’armée algérienne ? Ont-ils déplu à un émir local, petit chef sanguin ? Toujours est-il que voilà nos moines entraînés avec les terroristes dans le maquis.

2/ La nouvelle est rapidement connue et le groupe, qui réalise sa bévue, ou qui prend conscience de l’importance politique de ses otages, rend compte à l’état-major du GIA, dirigé à l’époque par Djamel Zitouni, que personne ne qualifiera d’humaniste.

3/ Plusieurs semaines se passent. Les services algériens et français tentent de localiser les moines et de trouver une solution. Evidemment, les Algériens sont plutôt partisans d’une opération musclée, tandis qu’en France règne comme d’habitude un cirque typiquement gaulois dans lequel s’agitent la DGSE, la DST, le général Rondot – dont on aimerait lire les notes sur le sujet – et les réseaux de M. Pasqua.

4/ Le 18 avril, la revue du GIA, « Al Ansar » (Les partisans), publiée à Londres, diffuse un communiqué du mouvement revendiquant l’enlèvement des moines et réclamant la libération d’un des premiers émirs du groupe, Abdelhaq Layada. Ces longues semaines de silence pourraient s’expliquer ainsi : ne sachant que faire de ces moines, le GIA a hésité avant de finalement rendre publique une revendication inacceptable pour Alger. Cette tactique lui permet de reprendre l’initiative.

5/ Quelques jours plus tard, le 30 avril, un émissaire du GIA se présente à l’ambassade de France à Alger et demande à parler au chef de poste de la DGSE. Celui-ci prend bien soin de ne pas prévenir l’ambassadeur, M. Lévêque, et choisit au contraire, au mépris de toutes les règles, de traiter directement l’affaire avec Paris. Informé par la DGSE, le Quai d’Orsay retransmet l’information à l’ambassadeur qui, comme vous l’imaginez, est enchanté d’apprendre que se tiennent dans ses murs des tractations de la plus haute sensibilité politique. On voit mal en effet les autorités algériennes, qui luttent pour leur survie chaque jour contre le GIA, accepter de bonne grâce que la France, ancienne puissance coloniale, négocie directement avec des terroristes. Quoi qu’il en soit, ce contact avec le GIA ne donne rien, si ce n’est le retour immédiat du chef de poste de la DGSE à Paris, « carbonisé », selon le jargon en vigueur. Un « protocole » a bien été établi entre la DGSE et le GIA au sujet de futurs contacts téléphoniques, mais il semble bien qu’aucune communication n’ait été établie. Les témoins de l’époque pourront sans doute confirmer ce point.

6/ Le 21 mai, un nouveau communiqué du GIA annonce l’exécution des moines. A Londres, au sein de la rédaction d’Al Ansar, où se cotoie la fine fleur de la chevalerie jihadiste (Abou Hamza, Abou Moussab, Abou Koutada), de vives tensions éclatent. Certains annoncent des révélations dans un prochain numéro de la revue, d’autres prennent leurs distances avec le groupe. Dans la mouvance islamiste radicale (on ne dit pas encore « jihadiste »), plusieurs groupes décident de rompre leurs relations avec le mouvement algérien, dont l’influent Groupe Islamique Combattant Libyen (GICL). Finalement, le numéro d’Al Ansar devant révéler les dessous de l’affaire ne paraîtra jamais. Pressions des services britanniques, algériens, français ? Tensions entre rédacteurs ?

Le fait est que d’emblée certains voient la main d’Alger derrière cette affaire, avec les mêmes arguments : Alger aurait « puni » Paris de son absence de coopération face au GIA. Il s’agit là d’une accusation absurde : la France n’a pas condamné l’interruption du processus électoral en 1992, elle a vendu des armes à l’Armée Nationale Populaire (ANP) via des sociétés basées en Suisse, les policiers de la DST n’ont cessé d’arrêter en France des militants islamistes algériens, et certains ont même fait le coup de feu dans le pays avec les Ninjas. Alors, la France punie pour quelle raison ?

La thèse de la manipulation, comme souvent, est de surcroît plombée par les qualités de ceux qui la défendent : officiers en rupture de ban qui affirment que Djamel Zitouni avait son badge (!) des services algériens, groupuscules d’opposition, ect. Et bien sûr notre nouvel ami le général Buchwalter, qui affirme que les moines ont été tués lors d’un raid d’hélicoptères algériens. Une bavure ? pourquoi pas. Mais quelques questions restent en suspens :

– pourquoi le GIA aurait-il revendiqué l’assassinat des moines s’il en avait su l’ANP responsable ? Il y avait là en effet un boulevard en terme de propagande. Mais, me retorqueront les conspirationnistes, justement, justement ! L’armée fait une énorme bavure, et comme le GIA est sa « chose », elle n’a pas de mal à lui faire « endosser le massacre », comme aurait dit Raoul Volfoni.

– à supposer même que le GIA ait été sous influence en Algérie, les idéologues de Londres, qui lisaient et imprimaient les communiqués, n’ont jamais démenti, ou simplement nié, la responsabilité du groupe dans ces meurtres. Comment expliquer ce mutisme de la part d’individus n’ayant pourtant pas froid aux yeux et que l’on retrouvera plus tard aux côtés d’Oussama Ben Laden ?

A mon sens, la suite des événements pourrait bien avoir été la suivante :

7/ Traqué par l’ANP, le groupe qui détient les otages et qui a des contacts épisodiques avec l’état-major du GIA, choisit d’éliminer les moines sans en référer à sa hiérarchie. Cette initiative expliquerait l’embarras du groupe à Alger et l’absence de contacts entre les ravisseurs et Paris. Il était en effet trop tard… Par la suite, les services algériens, qui ont été formés à bonne école, ne vont en effet pas se gêner pour utiliser les tensions nées de cette exécution afin de provoquer des dissidences au sein du GIA et enfin tenir la clé de la défaite de la première révolte islamiste du pays. La deuxième n’est pour sa part pas près d’être vaincue mais c »est une autre histoire…

Raids sur l’Iran : de la politique fiction comme outil diplomatique

Adversaire déclaré des Etats-Unis depuis la révolution de 1979, l’Iran est au cœur de plusieurs crises régionales majeures. Ayant entamé un programme nucléaire – officiellement civil – en violation du Traité de Non Prolifération (TNP), l’Iran est également impliqué au Liban, aux côtés du Hezbollah et de la Syrie, en Irak et en Afghanistan, et apporte un soutien financier au Hamas palestinien, en particulier en versant des indemnités aux familles des kamikazes. De nombreux renseignements indiquent, par ailleurs, que Téhéran abrite des responsables d’Al Qaïda en fuite. Un temps en résidence surveillée, ces-derniers semblent désormais disposer d’une plus grande marge de manoeuvre.

Dans tous ces dossiers, la République Islamique défie la communauté internationale et multiplie les provocations, par l’intermédiaire de son Président, Mahmoud Ahmadinejad, peu avare de déclarations incendiaires. Il n’est pourtant, en théorie, qu’un instrument entre les mains des véritables cercles du pouvoir en Iran. Sa position de Président ne lui permet de jouer qu’un rôle de premier ministre (acception française en dehors de la période de cohabitation), avec un pouvoir très limité sur la gestion des affaires publiques, exception faite des secteurs économiques et sociaux.

L’imbrication de ces crises et leur propre implication militaire en Irak et en Afghanistan contraignent les Etats-Unis à rejeter l’option militaire contre Téhéran et à privilégier une stratégie globale. Cette politique, que l’on pourrait qualifier de « containment de basse intensité », vise à pousser l’Iran à modérer sa politique régionale en utilisant tous les ressorts de la diplomatie, des manœuvres aéronavales dans le Golfe aux réunions d’experts des deux pays à Bagdad, en passant par les accusations publiques de toutes sortes.

Les scenarii militaires, que la presse américaine relaie régulièrement, font implicitement référence à la « stratégie du cinglé » mise au point par le Président Nixon lors de son premier mandat, au début du désengagement américain du Vietnam : « Nos ennemis doivent comprendre que nous sommes des fous imprévisibles, détenteurs d’une incroyable force de frappe. Ce n’est qu’ainsi qu’ils se plieront à notre volonté ». En agitant la menace de frappes préventives – dont l’efficacité réelle, sur le programme nucléaire par exemple, reste à prouver mais qui sont susceptibles d’infliger des dommages considérables – l’Administration américaine maintient l’Iran sous pression à moindre frais, tant il est vrai que le régime iranien semble lui-même agir de façon irrationnelle aux yeux des analystes occidentaux. Ce sont dès lors deux diplomaties, en apparence incontrôlables et inconciliables, qui s’affrontent.

C’est le jeu qu’Israël a désormais décidé de jouer seul, depuis le départ de l’Administration Bush. La publication récente d’un rapport établi par deux universitaires américains, Anthony Cordesman et Abdullah Toukan (cf. http://www.csis.org/media/csis/pubs/090316_israelistrikeiran.pdf) confirme que la réalisation de frappes contre l’Iran serait pour le moins hasardeuse et nécessiterait le soutien des Etats-Unis… Autant dire que les rumeurs actuelles participent de la même logique médiatique.

Si cette stratégie peut entraîner un rassemblement de la population iranienne autour du régime en exacerbant ponctuellement un nationalisme déjà virulent, elle vise surtout à montrer à certaines tendances du pouvoir de Téhéran que les provocations répétées du Président iranien ne pourront pas rester indéfiniment impunies et cherche probablement à provoquer un changement de régime à Téhéran. La République Islamique d’Iran, dont la majeure partie de la population aspire à un rapprochement avec l’Occident, et dont certains cercles dirigeants sont exaspérés par les rodomontades et les défis du Président Ahmadinejad, n’est en effet pas à l’abri d’un phénomène d’autorégulation, attendu par certains observateurs depuis le début de la crise nucléaire, et qui aboutirait à l’éviction « en douceur » de l’actuel Président, peut-être à l’occasion des prochaines élections présidentielles.

La stratégie périphérique iranienne

De son côté, l’Iran, dont l’habileté diplomatique n’est plus à démontrer, poursuit de la même façon une stratégie périphérique sous-tendue par des considérations géopolitiques et idéologiques. Dans le cadre d’une stratégie de déstabilisation régionale qu’ils conduisent sans que le régime iranien y soit nécessairement associé, les services spéciaux du Ministère du Renseignement (MR) ne se sont jamais interdits d’entretenir des relations avec les mouvements radicaux sunnites, qu’ils soient politiques ou terroristes.

Malgré l’offensive internationale contre le jihadisme, l’Iran poursuit ainsi une politique ambiguë associant actes de bonne volonté à l’impact faible (interruption de filières, arrestation de militants de base, etc.), soutien à des groupes violents hostiles au processus de paix au Proche-Orient et marchandages au sujet de responsables d’Al Qaïda. Pendant plusieurs années, l’Iran a abrité une des deux filières permettant aux volontaires arabes de rejoindre les camps d’entraînement en Afghanistan. Cette filière, animée par des cellules de la Gama’a Islamiya égyptienne implantées à Téhéran, n’a été interrompue que dans les premiers mois de l’année 2002, lorsqu’il est devenu notoire que de nombreux responsables d’Al Qaïda avaient pu quitter l’Afghanistan par ce pays en se mêlant aux réfugiés regroupés à la frontière.

Depuis début 2002, les autorités iraniennes ont remis à leur pays d’origine plusieurs centaines de membres présumés d’Al Qaïda, pour l’essentiel koweïtiens, saoudiens, égyptiens ou yéménites. De nombreuses rumeurs circulent toutefois quant à la présence en Iran, en résidence surveillée, de hauts responsables d’Al Qaïda. Aucune confirmation officielle n’a pour l’instant été donnée par les autorités iraniennes, mais peu de doutes subsistent. Les Etats-Unis ont réclamé sans succès que ces individus leur soient livrés dans le cadre de leur guerre contre Al Qaïda. L’Iran fait valoir que les terroristes ne peuvent être remis qu’à la justice de leurs pays d’origine.

Les liens de l’Iran avec les groupes fondamentalistes sunnites en Irak sont par ailleurs anciens, un fort soutien ayant été apporté à divers mouvements islamistes kurdes contre le régime baasiste, essentiellement à la fin des années 80 et pendant les années 90. (Le fondateur et chef d’Ansar al-Islam, Najmuddin Faraj Ahmad, connu sous le nom de Mollah Krekar, réfugié en Norvège, était ainsi, depuis Oslo, en relations régulières avec des responsables iraniens tout en maintenant des contacts étroits avec des responsables d’Al Qaïda en Europe).

Cette implication iranienne aux côtés de la mouvance jihadiste s’est également manifestée par la présence à Téhéran, pendant plusieurs années, de Gulbuddin Hekmatyar, chef du Hezb-e-Islami (HIGH), une des formations islamistes les plus radicales d’Afghanistan. Celle-ci, qui a inspiré la formation en Algérie du Groupe Islamique Armé, est actuellement engagée dans la lutte contre la coalition anti-terroriste aux côtés des Taliban et d’éléments d’Al Qaïda et fait l’objet de sanctions de la part des Nations unies.

Téhéran, qui n’a pas les moyens d’un affrontement direct avec les Etats-Unis, dispose ainsi d’une véritable capacité de nuisance, aussi bien en Afghanistan qu’en Irak ou au Liban. Sur ces deux derniers théâtres, la Syrie lui est d’un grand secours en relayant son soutien aux groupes armés ou en laissant passer les volontaires islamistes.

Plus que jamais, l’heure est donc aux manœuvres politiques, entre deux blocs que tout oppose en théorie mais qui ne peuvent s’affronter sans plonger toute la région dans le chaos et qui rèvent, in fine, de se retrouver.

Les pirates et l’Empire : comment les Occidentaux veulent faire la guerre sans tuer personne.

Les pays du Nord parlent depuis près de 20 ans de la piraterie, et il semble bien qu’aucune doctrine n’ait été réellement pensée par les états-majors occidentaux. Le Détroit de Malacca a été « nettoyé » par les puissances régionales, connues pour leur usage modéré de la violence et leur goût de la justice impartiale… Désormais, c’est (très) au large de la Somalie que d’autres pirates défient les marines occidentales, et, plus grave, les voies commerciales.

Le mode opératoire de ces pirates a été largement décrit par les médias et ne propose pas de révolution conceptuelle majeure. Partant de la côte ou rayonnant depuis un « navire-mère », les pirates, légèrement armés et dotés d’embarcations rapides, s’en prennent à des bâtiments de commerce ou à des yachts dont les équipages, dont le comportement est un mélange raffiné de bêtise et d’inconscience, ont choisi d’ignorer délibérément les innombrables mises en garde diffusées par les autorités gouvernementales ou les organisations internationales, au premier rang desquelles l’Organisation Maritime Internationale (OMI. Cf. http://www.imo.org). J’ajoute ici que ces pirates sont eux-mêmes parfois d’une désarmante candeur, à l’image des deux vedettes interceptées le 3 mai alors qu’elles confondaient, dans le soleil, la frégate Nivôse avec un navire de commerce…

Dès le début de la « guerre contre le terrorisme », lancée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont déployé au large de la Somalie et du Yémen une force navale baptisée Task Force 150. (cf. http://www.cusnc.navy.mil/command/ctf150.html).

Cette force, à laquelle la France participe avec ses modestes moyens, avait été pensée pour intercepter les membres d’Al Qaïda effectuant des navettes entre le Yémen, terre d’élection du jihadisme, et la Somalie, zone de non droit depuis le début des années 90.

La croissance de la piraterie somalienne a modifié en profondeur les missions de la TF.150, intégrée à la Combined Joint Task Force – Horn of Africa (cf. http://www.hoa.africom.mil/AboutCJTF-HOA.asp), élement le plus visible du nouveau commandement militaire régional de l’Empire, l’US Africa Command, dont le moindre des mérites n’est pas d’avoir évincé la France d’une partie du continent. Une nouvelle task force, la CTF.151 a d’ailleurs été créée, début 2009, pour lutter spécifiquement contre la piraterie  (Cf. http://www.navy.mil/search/display.asp?story_id=41687).

La montée des périls dans la zone a lancé les journalistes et autres observateurs à l’assaut des ouvrages sur la piraterie, et tous ont lu ou relu les récits et études consacrés à la piraterie des Caraïbes. Dans un article du Monde daté du 26 avril 2009, Laurent Zecchini se livre à quelques réflexions intéressantes sur les causes économiques et politiques de la piraterie somalienne. Il cite même Robert Gates, le Secrétaire à la Défense américain : « Aussi longtemps qu’existe cet immense nombre de gens pauvres et que les risques demeurent faibles, il est à mon avis impossible de maîtriser [la piraterie] ».

Cette réflexion mérite que l’on s’y arrête.

– la comparaison avec les pirates ayant écumé les Caraïbes du XVIe au XVIIIe siècles n’a pas grande pertinence. La piraterie ayant terrorisé les Antilles était en effet le fait de criminels étrangers à la région. Déserteurs des marines européennes, esclaves en fuite, aventuriers, ces hommes étaient motivés par l’appât du gain et par un idéal libertaire, fort sympathique au demeurant, mais très éloigné des réalités économiques régionales.

– Zecchini, fidèle à une forme d’idéalisme typiquement européen dénoncé, avec les excès que l’on sait, par les néoconservateurs américains en 2002 et 2003, rêve à voix haute d’une restauration de l’état de droit en Somalie afin d’éradiquer la piraterie.

Tant de candeur inquiète. L’Histoire nous a enseigné, en particulier depuis 1945, que la démocratie n’était pas une greffe si aisée à réussir, et que les pays/régions n’ayant jamais connu ce type de gouvernement devaient passer par des phases plus ou moins longues et douloureuses d’autoritarisme et de stabilité forcée avant de s’essayer à cet exercice difficile. Ce constat est évidemment valable pour le monde arabe comme pour l’Afrique Noire, et on voit mal comment la restauration d’un Etat de droit en Somalie pourrait se faire autrement que « grâce » à un régime « fort » (expression politiquement audible pour « dictature ») amicalement guidé par les puissances occidentales.

Surtout, Zecchini s’accroche au concept, à mon sens dépassé, d’Etat-nation, souverain, aux frontières définies et respectées. Il faudra bien un jour admettre que certaines régions du monde ne peuvent – et ne veulent – pas être gouvernées selon nos critères. Ces zones grises, soumises aux lois de seigneurs de la guerre, sont des données historiques permanentes que les Occidentaux, tout à leur rationnalisme, ont tenté de réduire, avec le succès que l’on voit.

En – 67, la Méditerranée orientale était de facto interdite à la navigation en raison des opérations ininterrompues des pirates venus de la Cilicie et Rome confia à Pompée la mission de mettre fin à leurs agissements.

Je laisse ici la parole au site http://www.mediterranee-antique.info/

« L’an 67, le tribun Gabinius, ami de Pompée, qui portait le surnom de Grand depuis la guerre contre Sertorius, proposa qu’un des consulaires fût investi pour trois ans, avec une autorité absolue et irresponsable, du commandement des mers et de toutes les côtes de la Méditerranée jusqu’à 400 stades dans l’intérieur. Cet espace renfermait une grande partie des terres soumises à la domination romaine, les nations les plus considérables, les rois les plus puissants. La loi donnait en outre à ce consulaire le droit de choisir dans le Sénat quinze lieutenants pour remplir les fonctions qu’il leur assignerait, de prendre chez les questeurs et les fermiers de l’impôt tout l’argent qu’il voudrait, d’équiper une flotte de deux cents voiles et de lever tous les gens de guerre, tous les rameurs et tous les matelots dont il aurait besoin.

Les nobles s’effrayèrent de ces pouvoirs inusités qu’on destinait à Pompée, bien que Gabinius n’eût pas prononcé son nom ; ils faillirent massacrer le tribun. César appuya fortement la loi, c’était le premier pas du peuple, las d’une République en ruine, vers l’empire fort et puissant. L’assemblée du peuple doubla les forces que le décret avait fixées et accorda au général 500 galères, 120.000 fantassins et 5.000 chevaux.

A cette nouvelle, les pirates abandonnèrent les côtes d’Italie, le prix des vivres baissa subitement, et le peuple de crier que le nom seul de Pompée avait terminé la guerre.

Le dictateur s’occupa aussitôt d’organiser son expédition. Il manda à tous les rois et alliés du peuple romain d’unir leurs forces aux siennes dans un commun intérêt. Les Rhodiens fournirent un grand nombre de vaisseaux qui furent les meilleurs parmi la flotte. Pompée eut l’heureuse idée de former plusieurs escadres dont il donna le commandement à des chefs expérimentés, qui tous étaient égaux et avaient chacun l’imperium dans le département qui lui était assigné. Tibère Néron reçut l’ordre de croiser dans les mers d’Espagne ; Pomponius dans celles des Gaules tt de Ligurie ; Marcellus et Attilius, sur les côtés d’Afrique, de Sardaigne et de Corse ; Gellius et Lentulus, sur celles de l’Italie et de Sicile ; Plotius et Varron eurent pour département la mer d’Ionie ; Cinna, le Péloponnèse, l’Attique, l’Eubée, la Thessalie, la Macédoine et la Béotie ; Lolius, la mer Égée et l’Hellespont ; Pison, la Bithynie, la Thrace, la Propontide, le Pont-Euxin ; Metellus Nepos, les mers de Lycie, de Pamphylie, de Chypre et de Phénicie.

Pompée présidait à tout, et, de Brindes, se portait sur les points où il jugeait sa présence nécessaire. Ce plan, habilement conçu, fut bien exécuté : les ports, les golfes, les retraites, les repaires, les promontoires, les détroits, les péninsules, tout ce qui servait de refuge aux pirates ; fut enveloppé, fut pris comme dans un filet. Les corsaires qui avaient échappé à une escadre tombaient bientôt dans une autre, et une fois qu’ils avaient été obligés de s’éloigner d’un parage, ils n’y pouvaient plus revenir, parce que les forces qui les en avaient chassés les poussaient devant elles du côté de l’Orient et de la Cilicie. Ils cherchèrent une retraite en divers endroits de cette contrée, comme des essaims d’abeilles dans leurs ruches.

En quarante jours, les flottes des pirates, du reste sans cohésion entre elles et sans unité de direction militaire, furent dissipées, et les mers, depuis les colonnes d’Hercule jusqu’à la Grèce, furent entièrement libres. Les provisions arrivèrent en grande quantité et les marchés de Rome furent abondamment pourvus.

Pompée partit alors pour l’Orient afin de frapper le coup décisif, et fit voile, avec soixante forts navires, droit sur l’antique et principal repaire des flibustiers, la côte de Lycie et de Cilicie. En voyant approcher la flotte romaine, victorieuse et imposante, de nombreux écumeurs de mer vinrent se rendre avec leurs femmes, leurs enfants et leurs brigantins. Pompée les traita avec douceur : maître de leurs vaisseaux et de leurs personnes, il ne leur fit aucun mal. Cette généreuse conduite fit concevoir aux autres d’heureuses espérances ; ils évitèrent les lieutenants de Pompée et ils allèrent se rendre à lui. Pompée leur fit grâce à tous, et se servit d’eux pour dépister et prendre ceux qui se cachaient encore. La douceur calculée du général lui ouvrit les portes des deux forteresses de Kragos et d’Antikragos.

Cependant les plus nombreux et les plus puissants parmi les pirates avaient mis en sûreté leurs familles, leurs richesses et la multitude inutile dans des châteaux forts du mont Taurus, et, montés sur leurs vaisseaux, devant Coracésium, en Cilicie, ils attendirent Pompée qui s’avançait sur eux à toutes voiles. Ils opposèrent d’abord une vive résistance, mais elle ne fut pas de longue durée. Entièrement défaits, ils abandonnèrent leurs navires et se renfermèrent dans la ville pour soutenir le siège. Ils demandèrent bientôt à être reçus à composition ; ils se rendirent et livrèrent les villes et les îles qu’ils occupaient et qu’ils avaient si bien fortifiées qu’elles étaient difficiles à forcer et presque inaccessibles.

Les Romains trouvèrent dans les places qui leur furent remises, et surtout dans la citadelle du cap de Coracésium, bâtie par Diodote Tryphon, un des anciens chefs de pirates, tué en 144 par Antiochus, fils de Démétrius, une quantité prodigieuse d’armes, beaucoup de navires, dont plusieurs étaient encore sur les chantiers, des amas immenses de cuivre, de fer, de voiles, de bois, de cordages, de matériaux de toutes sortes, et un grand nombre de captifs que les pirates gardaient, soit dans l’espoir d’en tirer une forte rançon, soit pour les employer aux plus rudes travaux. Pompée s’empressa de délivrer et de renvoyer ces malheureux prisonniers, parmi lesquels figuraient Publius Clodius, l’amiral de la flotte romaine permanente de Cilicie, et d’autres grands seigneurs romains. Plusieurs d’entre eux, que l’on avait cru morts, trouvèrent, en rentrant dans leurs foyers, leurs noms inscrits sur des cénotaphes.

En moins de trois mois, l’heureux général avait tué 10.000 pirates, fait 20.000 prisonniers, pris 400 vaisseaux, dont 90 armés d’éperons, coulé à fond 1.300 autres et occupé 120 citadelles, forts ou refuges. Il livra aux flammes les arsenaux pleins et les magasins d’armes.

Les 20.000 prisonniers, qu’allaient-ils devenir ? C’est ici que la conduite politique de Pompée fut véritablement admirable. Jusqu’alors, les pirates captifs avaient été mis en croix. Il ne voulut pas faire mourir ces prisonniers, mais il ne crut pas sûr de renvoyer tant de gens pauvres et aguerris, ni de leur laisser la liberté de s’écarter ou de se rassembler de nouveau. Réfléchissant, dit Plutarque, que l’homme n’est pas de sa nature un être farouche et insociable, qu’il ne le devient qu’en se livrant au vice, contre son naturel, qu’il perfectionne ses mœurs, au contraire, en changeant d’habitation et de genre de vie, et que les bêtes sauvages elles-mêmes, quand on les accoutume à une existence plus douce, dépouillent leur férocité, Pompée résolut de transporter les captifs loin de la mer, dans l’intérieur des terres, et de leur inspirer le goût d’une vie paisible, en les habituant au séjour des villes ou à la culture des champs. Il établit, en conséquence, une partie des prisonniers dans trente-neuf petites villes de la Cilicie, telles que Mallus, Adana, Épiphanie, etc., qui consentirent, moyennant un accroissement de territoire, à les incorporer parmi leurs habitants. La ville de Soli, dont Tigrane, roi d’Arménie, avait naguère détruit la population, reçut un grand nombre de pirates qui la relevèrent de ses ruines et l’appelèrent Pompéiopolis. D’autres furent envoyés à Dymé d’Achaïe, qui manquait alors d’habitants et dont le territoire était étendu et fertile, et d’autres enfin furent transportés en Italie.

Cette sage mesure produisit un résultat excellent. Dès que les pirates n’eurent plus besoin de piller pour vivre, ils perdirent le goût du pillage. Ce vieillard corycien, Corycium senem, si content de son sort, dont Virgile fait l’éloge, était un de ces anciens pirates : Au pied des remparts élevés de Tarente, aux lieux où le noir Galèse arrose dans son cours les moissons jaunissantes, je me souviens d’avoir vu un vieillard de Corycus qui possédait quelques arpents d’un terrain abandonné ; ce sol n’était ni propre au labour, ni favorable aux troupeaux, ni propice à la vigne. Là, pourtant, au milieu des broussailles, le vieillard avait planté quelques légumes que bordaient des lis blancs, des verveines et des pavots ; il se croyait aussi riche qu’un roi,

Regum æquabat opes animo,

et le soir quand il rentrait au logis, il chargeait sa table de mets qu’il n’avait point achetés….

La rapidité de l’expédition et la sage politique de Pompée valurent à ce général un triomphe éclatant et l’admiration du peuple romain et des vaincus eux-mêmes. Ce fut en souvenir de son nom que les pirates s’enrôlèrent plus tard sous les ordres de son fils Sextus. Pompée continua ses succès en Asie et fit inscrire, sur un monument qu’il éleva, ses actions glorieuses : Pompée le Grand, fils de Cneius, imperator, a délivré tout le littoral et toutes les îles en deçà de l’Océan, de la guerre des pirates ; il a sauvé du péril le royaume d’Ariobarzane, investi par les ennemis ; il a conquis la Galatie, les contrées ou provinces les plus éloignées de l’Asie, ainsi que la Bithynie ; il a partagé la Paphlagonie, le Pont, l’Arménie, l’Achaïe, la Colchide, la Mésopotamie, la Sophène, la Gordienne ; il a soumis le roi des Mèdes, Darius, le roi des Ibériens, Artocès, Aristobule, roi des Juifs, Arétas, roi des Arabes Nabatéens, la Syrie, voisine de la Cilicie, la Judée, l’Arabie, la Cyrénaïque, les Achéens, les Iozyges, les Soaniens, les Héniaques et les autres peuplades établies entre la Colchide et le Palus-Méotide, ainsi que les rois de ces pays, au nombre de neuf ; enfin tous les peuples qui habitent entre le Pont-Euxin et la mer Rouge ; il recula l’empire de Rome jusqu’aux, limites de la terre : il conserva les revenus des Romains et les augmenta encore ; il enleva aux ennemis les statues, les images des dieux, ainsi que d’autres ornements, et consacra à la déesse 12.060 pièces d’or (environ 332.600 fr.) et 307 talents d’argent (1.650.000 fr.). »

Ces lignes admirables de clarté, qui doivent beaucoup à Plutarque (« Les vies des hommes illustres »), apportent un éclairage précieux sur une situation étrangement comparable à celle que nous connaissons aujourd’hui, et sur les moyens engagés pour y remédier :

– création d’un commandement ad hoc aux missions claires et aux moyens militaires conséquents ;

– association d’un projet politique au projet militaire ;

–  soutien sans faille des autorités politiques au chef chargé de conduire les opérations -car il y aura de la casse…

Au large de la Somalie, les pirates, certes pauvres, mais manipulés par des commanditaires locaux et susceptibles d’être prochainement récupérés par les jihadistes et/ou le régime soudanais, doivent d’abord subir de véritables défaites militaires rendant l’exercice de leur coupable commerce impossible, ou en tout cas hautement risqué. Cela implique que les Etats impliqués dans cette lutte soient prêts à infliger des pertes, à en subir, et à conduire des opérations à terre. Puis, après la défaite militaire de l’adversaire viendra le temps de la reconstruction, d’abord par la création de zones co-gérées par des autorités locales et des puissances mandatées, à l’image des Balkans, de facto sous protectorat européen depuis les accords de Dayton.

Ce n’est qu’à ce prix que la paix reviendra dans la région, après l’inévitable affontement de volonté des adversaires. Rien n’indique cependant que la Somalie puisse dans un avenir prévisible devenir un Etat viable. Mais une chose est certaine : elle n’en prend actuellement pas le chemin, et une intervention PENSEE des puissances capables de la mener à son terme devrait au moins contribuer à limiter les risques pour le commerce international. Pour le reste, pardonnez mon cynisme, mais il faut relire Stephen Smith (« Négrologie ») et admettre à voix haute ce que d’aucuns murmurent : l’Afrique va de plus en plus mal et semble incapable, en raison de l’infinie médiocrité de ses dirigeants, de mettre en valeur son immense potentiel humain. Une aide extérieure – et non une nouvelle colonisation – paraît être à la fois une nécessité stratégique et un devoir moral.