Lego jihad

Plusieurs sources fiables m’ont récemment indiqué, sous le sceau du secret et contre de considérables sommes d’argent (note pour les bleus : faire signer les reçus et ne pas oublier les PJ) que l’Occident, dont on mesure chaque jour la faiblesse – même pas capable d’envoyer assez de navires au large de la Somalie, alors que ça menace de partir au large du Nigeria – avait commencé à se ruiner en jouets idiots pour des enfants qui, à l’entrée du lycée, ne seront, dans leur majorité, pas capables d’écrire leur prénom sans se tromper – à l’instar d’une proportion croissante de leurs jeunes enseignants, d’ailleurs.

N’écoutant que mon proverbial courage, et malgré mes scrupules, j’ai donc déambulé, ces derniers jours, dans quelques magasins afin d’y dénicher les présents qui sauront séduire ma turbulente et adorable progéniture et lui épargner l’opprobre populaire en cas d’absence de cadeaux conséquents. Il est, par ailleurs, absolument hors de question que l’on puisse dire de moi que je suis un adepte de la décroissance ou d’autres escroqueries intellectuelles actuellement en vogue chez des idéologues embourgeoisés vautrés dans l’opulence.

J’ai ainsi découvert l’existence d’une superbe série de Playmobil, sobrement nommée Top agents, et dont je vais me procurer l’intégrale pour mon usage personnel, au bureau comme en mission. Il faut savoir rompre sa solitude.

J’ai toujours préféré Playmobil à Lego, affaire de goût, mais je dois avouer être impressionné par la façon dont la firme danoise a su se donner un nouveau souffle, d’abord en investissant les franchises cinématographiques (Star Wars, Indiana Jones, Batman), puis en transférant les univers ainsi recréés sur les jeux vidéos. Initialement plutôt restreinte, du moins quand j’étais enfant, la gamme du fabricant est devenue pléthorique et plutôt séduisante. Surtout, la multiplication des univers a permis à quelques mordus particulièrement cinglés de détourner les briquettes et les personnages vers des univers plutôt incongrus.

Une des initiatives les plus démentes a été la création sur Internet d’une Bible illustrée par des Lego. Le projet, délicieusement appelé The brick testament, est d’une admirable imagination et n’a pas manqué de faire hurler les pisse-vinaigres et autres peine-à-jouir dont le Père Albert se moque si savoureusement – presque – tous les soirs chez Daniel Morin et Giulia Foïs (La Morinade) sur Le Mouv.

Mieux encore, et c’est bien sûr à cela que je voulais en venir, d’autres ont su illustrer notre sujet préféré avec un rare sens de l’observation, et je me dois ici de rendre hommage au génial Alex Eylar, auteur d’une série de scénettes proprement irrésistibles que je me permets, respectueusement, de reproduire plus bas. On y retrouve le kamikaze,

le moudjahidin,

l’inévitable détournement d’avion,

le testament du jihadiste sur Al Jazeera ou sur les vidéos du Global Islamic Media Front,

et surtout, la vie tranquille d’OBL à Abbottabad , devant « Qui veut gagner des dinars ? »,

légèrement interloqué devant les petits gars de la Navy SEALS Team 6,

sous le regard attentif de l’Empereur, de ses ministres et de ses prétoriens.

On attend la suite, de Mokhtar Belmokhtar au Nord Mali aux Shebab somaliens en passant par les insurgés irakiens et les combattants du sud de la Thaïlande.

Gastié-Leroy m’emmerde, Germaine m’emmerde…

Evidemment, je pourrais encore écrire tout le bien que je pense du crétin qui, vendredi dernier sur une des pages Facebook créées en soutien à Charlie Hebdo, affirmait, avec un abject mépris, que la France était gouvernée par « un sale juif ». Je pourrais citer les centaines de phrases suintant la haine et l’obscurantisme, les partisans de la théorie du complot, ou ceux qui pensent que les Etats-Unis ont provoqué les révolutions arabes pour nuire à l’islam (je suis preneur de toute explication un peu claire sur ce dernier point afin d’achever mon essai « Le jihad par les nuls », suite de « Le jihad pour les nuls »).

Je préfère pourtant célébrer ce 200e billet par un moment de légèreté, modeste remerciement adressé aux lecteurs fidèles dont les mails sont autant de précieux soutiens.

En 1973, auréolé du triomphe du premier volet des aventures du Grand blond avec une chaussure noire, (1972, Yves Robert), Pierre Richard écrit et tourne Je sais rien mais je dirai tout, une réjouissante charge contre la bourgeoisie, les notables, l’armée, l’église et l’ordre établi.

Sorte de Hair à la française, le film, qui ne brille pas par la finesse de son propos ou l’élégance de sa mise en scène, bénéficie de la présence de nombreux acteurs : Bernard Blier, Daniel Prévost, Pierre Tornade, Bernard Haller, Luis Rego (qui s’illustrera plus tard aux côtés de Pierre Desproges sur France Inter dans le Tribunal des flagrants délires), Francis Lax (immortelle voix française de Thomas Sullivan Magnum et de Kenneth Hutchinson), Pierre Repp ou Jean Saudray – une « gueule » mythique du cinéma français des années 70.

Illustrant les déboires du fils d’un magnat de l’industrie d’armement qui rêve de sortir quatre marginaux (Luis Rego et les insupportables Charlots) de leurs magouilles minables, Je sais rien mais je dirai tout explore un peu plus encore le personnage de rêveur – gaffeur qui sera la marque de l’acteur tout au long de sa carrière. On y trouve son goût pour le burlesque ou pour les délires verbaux, et son rire légendaire.

Serait-il possible de tourner un tel film en 2011 en France ? Antimilitariste, anticlérical, hostile à la police, peu amène envers les syndicats ou l’administration, il agacerait forcément les uns et les autres – ce qui lui donne, évidemment, toute sa valeur à mes yeux. Le comportement de certains policiers ne semble pas avoir beaucoup évolué, comme une de mes amies, qui se reconnaîtra, me le racontait encore il y a quelques jours.

De même, le fer de lance de l’industrie lourde du pays des Lumières et des Droits de l’Homme y est traitée avec ironie.

 

Avez-vous un drapeau ?

Je tiens Eddie Izzard pour un des types les plus drôles qu’il m’ait été donné d’entendre. Les Britanniques, qui ont déjà donné au monde quelques pointures dans ce domaine, lui vouent d’ailleurs un véritable culte – bien mérité.

Lors de ses spectacles, il a la curieuse habitude de se travestir, une démarche visuellement assez saisissante et qui renforce la puissance comique de ses textes. Eddie Izzard prend littéralement son public à la gorge et lui assène des sketchs comme une série d’uppercuts.

Parmi les nombreux textes hilarants qu’on lui doit, j’ai, comme vous l’imaginez, été particulièrement sensible à ceux dans lesquels Eddie Izzard livre sa vision de l’histoire. Sa description de l’impérialisme britannique au XIXe siècle est un monument :

De même, sa relecture de la fondation de l’Amérique anglaise et du mythe de Thanksgiving me tire des larmes :

Enfin, et pour finir sur une note impériale, il me semble impossible d’évoquer Mr. Izzard sans montrer son interprétation du Dark lord of the Siths, Darth Vader, un homme probablement légèrement névrosé.

De nouvelles et troublantes révélations sur l’opération Géronimo

Un rigoureux travail journalistique a permis de mettre à jour cette courte vidéo tournée dans un hélicoptère de l’armée américaine lors d’un vol au large du Pakistan, il y a une semaine.

Attention, la scène est d’une rare violence et peut choquer les plus sensibles d’entre vous. La vérité doit cependant être connue de tous.

Nous sommes quatre lions

Certains des pires drames auxquels j’ai assisté depuis vingt ans ont été causés par des jihadistes. Les attentats du 11 septembre, ceux de Bali ou de Bombay, la prise d’otages de Beslan, les soi-disant actes de résistance du Hamas contre les civils israéliens – et les absurdes représailles contre les civils palestiniens, tout cela fait de lourds souvenirs à porter.

Mais ces mêmes tueurs, ces mêmes fanatiques m’ont aussi fait rire, parfois aux larmes. J’imagine que certains de mes lecteurs ont également connu ces moments de stupeur à l’écoute d’interceptions de communications ou à la lecture de débriefings. Et l’univers du jihadisme, comme tous les univers très normés, se prête à merveille aux parodies.

Dieudonné a, le premier, osé un sketch sur le 11 septembre – Dieu seul sait ce qu’il pourrait raconter à présent qu’il verse dans les théories d’extrême-droite. Il y a eu Achmed le terroriste mort, il y a eu la comédie musicale Jihad, mais il nous manquait un vrai film.

Grâce à Christopher Morris, c’est désormais chose faite. We were four lions se place d’entrée sur le terrain de l’humour brutal, avec une réjouissante connaissance du parcours du jihadiste.

https://dailymotion.com/video/xd4i70_four-lions-bande-annonce-vo_shortfilms

On le voit, tout y passe, du camp d’entraînement au projet d’attentat en passant par les discours complètement imbécile de l’imam radical. Une charge réjouissante, qui devrait logiquement provoquer la fureur de nos amis d’Al Qaïda. Rien que pour ça, on va le voir, le revoir et même acheter le DVD.

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La petite mariée m’a tiré dessus hier soir à Orly.

Je déambulais il y a peu dans les allées d’un disquaire du 5e arrondissement parisien, et me voilà d’un coup face à face avec les noms et les visages de parfaits inconnus. Des DJ Macheprot, des MC Tartemuche, une véritable terra incognita, bien éloignée de mes chers B.B King, Eric Clapton, John Mayall, Stevie Ray Vaughan, et là, mon oeil de professionnel du renseignement s’est bloqué sur un nom : Bob Sinclar.

Je confesse volontiers mon ignorance, et je ne doute pas un instant du talent de ce souriant jeune homme, mais il s’agirait quand même de ne pas oublier un point fondamental, essentiel, central même aux yeux de certains membres de l’honorable communauté française du renseignement: Bob St Clar (j’ai choisi de façon parfaitement autoritaire cette orthographe), c’est ce superbe spécimen masculin, ici vu près de la piscine d’un hôtel d’Acapulco.

Bob St Clar est la quintessence de l’espion français : élégant, discret, cultivé sans être méprisant, sachant doser la violence mais capable de réflexion au coeur de la plus sauvage des fusillades. Comparé à St Clar, le commodore Bond n’est qu’un figurant sans classe, Jason Bourne un névropathe et Austin Powers un garçon un peu coquet, voire timoré.

C’est en 1973 que Philippe de Broca offre à Jean-Paul Belmondo le rôle de Bob St Clar, espoir du monde libre, légende vivante au sein des services secrets occidendaux, et ennemi juré de l’infâme Karpov, le chef des services secrets de la République populaire d’Albanie – que l’on ne savait pas si puissante, même à l’époque.

Le scénario proprement délirant de Francis Véber offre une version française de Malko Linge, le libidineux et aristrocratique héros de Gérard de Villiers, et son auteur, François Merlin, un écrivain qui pond au kilomètre, depuis son triste et délabré appartement parisien, les aventures exotiques et luxueuses de notre champion. Inutile de tenter un résumé de l’intrigue du Magnifique, elle est à la fois d’une insondable idiotie et sans aucun intérêt. Le but du film est en effet d’aligner, en les exagérant progressivement, tous les poncifs du roman et du film d’espionnage qui vivaient alors leurs heures de gloire.

C’est d’ailleurs avec bonheur que le tandem Michel Hazanavicius/Jean Dujardin a su reprendre le flambeau de la parodie avec Le Caire, nid d’espions (2006) puis Rio ne répond plus (2009.

Grâce à Bob St Clar et OSS 117, quelques poignées de fonctionnaires français, inspirés par ces glorieux modèles, ne peuvent plus se rendre en Egypte sans un portrait du Président Coty – Joe, cette phrase est pour toi – et ne peuvent s’empêcher de préciser lors d’un RVPI (Rendez-vous avec une Personne Inconnue) qu’ils n’ont pas trouvé de pain de campagne.

Ces éléments d’élite ont un fond de sensibilité qu’ils ne parviennent pas à réprimer, aiment se battre, redoutent, plus que tout, les rats dont les dents ont été imprégnées de cyanure et se demandent d’où vient ce pope. Ils ne dédaignent pas les tenues à l’élégance discrète et savent faire équipe avec leurs collègues féminines, quant à elles incarnation de l’idéal défendu par Mme de Fontenay.

Sommet de la carrière comique de Jean-Paul Belmondo, Le Magnifique constitue un véritable monument cinématographique, aux innombrables répliques cultes et doté d’une absurdité qu’on ne trouve que dans les films d’Alain Chabat. Je n’hésite pas, pour ma part, à le placer au-dessus des Barbouzes et de Ne nous fâchons pas, et presque sur le même pied que les Tontons flingueurs. J’ajoute, et je sais m’adresser ici aux plus exigeants de mes distingués lecteurs, que le lien entre Belmondo et Audiard sera établi par l’immense Georges Lautner dans Flic ou Voyou (1979)  dans lequel Bebel a maille à partir avec un certain Volfoni, au cours duquel sa fille va au cinéma voir Le terminus des prétentieux et pendant lequel il corrige de belle manière Venantino Venantini, l’inoubliable Pascal – pas le philosophe, l’autre.

Enfin, sachons saluer la clairvoyance de Philippe de Broca et de Francis Véber, qui ont su dresser un portrait fidèle du véritable espion français…

Le Magnifique