On nous prie d’annoncer le décès de…

On nous prie d’annoncer le décès de Tahir Yuldashev, membre fondateur de Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO), rappelé à Dieu par un drone américain en août dernier.

Yuldashev était le chef survivant du MIO après la mort, en novembre 2001, de Juma Namangani, l’autre tête pensante du mouvement. Le groupe, fondé en 1997, était à l’origine une organisation d’opposition au régime de Tachkent et avait pour objectif de créer une république islamique incluant l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, et le Kirghizistan. Le coeur du dipositif de MIO était placé dans la vallée de la Fergana. C’est dans cette vallée que les forces spéciales américaines firent le coup de feu en 2002.

Jusqu’aux attentats du 11 septembre, le MIO, étroitement lié à Al Qaïda, bénéficiait du soutien du Pakistan et des Talibans. L’intervention américaine, puis occidentale, en Afghanistan, a porté des coups très durs au mouvement, dont les cadres se sont réfugiés dans les zones tribales pakistanaises. En 2004, la rumeur a couru que Yuldashev avait été blessé lors d’un accrochage avec des unités pakistanaises soutenues par les forces spéciales américaines, mais sa mort n’avait pas été confirmée.

 

Le MIO était fortement soupçonné d’avoir réalisé une série d’attentats à Tachkent entre le 28 et le 31 mars 2004, causant la mort de 43 personnes. Le groupe était de toute façon objet de sanctions internationales et figurait sur la liste des Nations unies (Comité 1267) ainsi que sur plusieurs listes nationales de groupes terroristes.

La mort de Yuldasev intervient alors qu’on note une résurgence du jihadisme dans les milieux islamistes radicaux turcophones, le long d’un axe de crise qui s’étend de l’Allemagne au Xinjiang, nommé dans la rhétorique d’Al Qaïda « Turkestan oriental ». Surtout, elle confirme que les zones tribales pakistanaises abritent toujours des combattants étrangers aux côtés des Taliban. Enfin, ce succès opérationnel démontre aux sceptiques que la communauté américaine du renseignement a su, et de quelle façon, surmonter la crise ayant abouti au 11 septembre. Je vous parlerai, un de ces jours, de quelle façon un drone peut éliminer un chef jihadiste…

Que savaient les services de renseignement le 10 septembre 2001 ?

Au risque d’en choquer quelques uns, je suis bien obligé d’affirmer qu’il est des sujets dont on ne peut pas parler si on ne les a pas explorés de l’intérieur. L’imagination, l’empathie, la capacité de projection sont autant de qualités précieuses chez un auteur de fiction, mais qui peut décrire un saut en parachute sans avoir sauté lui-même ? Qui peut rapporter les sentiments d’un chirurgien s’il n’a pas lui-même opéré ? Il en va de même pour le renseignement, et les esprits les plus rigoureux se cantonnent le plus souvent à l’étude des archives. Hélas, dans bien des cas, le lecteur curieux est assailli de toutes parts par des ouvrages dont les auteurs soignent leur mythomanie par la compilation d’articles et les confessions de quelques vieilles gloires plus ou moins lucides. Il en est ainsi, évidemment, de nombre d’écrits concernant les attentats du 11 septembre 2001.

Les tenants de la théorie du complot, que j’ai évoqués ici, font preuve, en plus d’une folle arrogance intellectuelle, d’une ignorance crasse du monde du renseignement et plus généralement de ce qu’on appelle « le facteur humain ». Ce fameux facteur explique que malgré de nombreuses mais incomplètes informations personne n’ait pu/su prévoir les attaques du 11 septembre. Alignés froidement sur une feuille de papier, tous ces indices constituent pourtant un dossier accablant, mais l’Histoire regorge de ces incroyables et terribles enchaînements de circonstances qui jettent un pays dans l’abîme. J’y reviendrai plus tard. Il ne fait aucun doute que de nombreux éléments avaient été recueillis par diverses agences de renseignement au sujet d’un vaste projet terroriste, mais la synthèse était-elle possible ? Qui savait quoi ? Comment ? N’est-il pas vain et en partie idiot de réécrire ainsi l’Histoire ? Que savaient donc les services ? Essayons de faire un point mêlant chronologie et acteurs.

1/ La CIA, dès janvier 2000, avait détecté le passage à Kuala-Lumpur de plusieurs opérationnels de grande qualité d’Al Qaïda. Accueillis par Hambali, l’émir de la Jemaah Islamiyah, ils venaient de suivre un entraînement poussé dans un camp en Afghanistan et se préparaient à gagner les Etats-Unis pour y poursuivre les préparatifs des attentats du 11 septembre 2001 (cet épisode est décrit avec précision dans les pages 156 – 160 du rapport du Sénat sur les attentats).

Malheureusement, personne n’avait détecté la nature de l’entraînement reçu en Afghanistan… Par mesure de précaution, et parce qu’au moins un des jihadistes était impliqué dans l’attentat contre l’USS Cole au Yémen en octobre 2000, la CIA transmit au FBI et aux services douaniers les identités des individus détectés afin de leur interdire l’entrée du territoire américain.

2/ Ce voyage de terroristes d’Al Qaïda d’Afghanistan vers les Etats-Unis via la Malaisie illustrait à l’époque la structuration des ramifications mondiales du réseau de l’organisation jihadiste. Au même moment, la cellule de Hambourg se mettait en place avec des ressortissants du Golfe, un leader égyptien, et des fonds en provenance d’Espagne… Au sein des services de sécurité et de renseignement, la convergence entre réseaux, visibles dès l’été 1999 en Europe, avait été détectée et analysée comme la preuve d’un accroissement sensible de la menace. Tout le monde s’attendait à une action spectaculaire, et les opérations déjouées donnaient de précieuses indications : complot du Millenium à Seattle et Amman en décembre 1999, projet d’attentat contre la cathédrale de Strasbourg en décembre 2000, projet d’attentat contre l’ambassade américaine à Rome en janvier 2001, etc.

3/ Identifiés grâce aux patientes recherches des services français et britanniques, certains camps d’entraînement d’Al Qaïda étaient régulièrement photographiés par des satellites, ce qui permit de détecter des exercices de capture d’avions de ligne sur les appareils hors d’usage d’Ariana Airlines parqués sur l’aéroport de Kaboul

   

L’analyse faite à l’époque par la DGSE, diffusée dans une note que Guillaume Dasquié jugea utile de publier dans Le Monde du 17 avril 2007, concluait que les membres d’Al Qaïda s’entraînaient à détourner des avions. Cette hypothèse paraissait d’autant plus crédible qu’en décembre 1999 les Taliban avaient détourné sur l’aéroport de Kandahar un appareil d’Indian Airlines – et avaient même exhibé à cette occasion des missiles sol-air Stinger (FIM-92 pour les pros) – afin d’obtenir la libération d’un leader islamiste.

 

Personne n’envisageait donc sérieusement ces exercices de détournement autrement que comme une volonté de l’alliance Talibans/AQ de reproduire le succès de décembre 99.

En Europe, les services suivaient avec inquiétude le départ de volontaires maghrébins vers les camps afghans grâce aux filières d’Abou Zoubeida, soutenues par Abou Doha, un opérationnel basé à Londres qui faisait le lien entre les cellules algériennes, les réseaux d’AQ et les maquis tchétchènes, sous l’impulsion de l’émir Abou Djaffar, lui-même installé en Afghanistan.

4/ Ayant atteint son apogée organisationnel pendant l’été 2001, Al Qaïda restait difficilement lisible par les services. Les sources techniques étaient rares et concernaient essentiellement des responsables jihadistes liés à Al Qaïda mais en aucun cas des chefs de l’organisation. Le constat de la faillite du renseignement humain au sein de la CIA, dénoncée par Robert Baer (La chute de la CIA) ou Michael Scheuer (Imperial hubris), était également valable pour d’autres services, dont les agences françaises qui compensaient ce manque de sources par la qualité de leurs analyses. Seuls, une fois de plus, les services britanniques semblaient disposer en 2001 d’une source humaine de très haut niveau au cœur de l’état-major d’Al Qaïda. Certains observateurs estiment qu’il s’agissait de l’idéologue espagnol d’origine syrienne Abou Moussab, figure du Londonistan entre 1995 et 2000, un contact de haut niveau digne des sources que traitait le MI-5 (actuellement BSS) dans les services de l’Est quelques années plus tôt. Ce serait donc grâce à ses indications que les autorités britanniques, au printemps 2001, redoutaient un attentat majeur, dont ils avaient averti leurs alliés américains. Mais les détails manquaient…

L’arrestation en juillet 2001 à Dubaï du Franco-algérien Djamel Beghal, sur la foi d’un renseignement de la CIA transmis aux services émiratis, permit de dévoiler un projet d’attentat majeur contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris. Informés, les services français et britanniques se mobilisèrent et concentrèrent leurs efforts contre le réseau impliqué, jugeant que cet attentat était le projet majeur dont parlaient les sources. Ce complot confirmait une grande partie des renseignements recueillis par la DGSE et la DCRG, qui coopéraient étroitement sur ce sujet depuis des mois, au grand dam de la DST qui pour une fois n’avait rien vu venir et en était réduite à vociférer lors des – rares – réunions de travail qu’elle acceptait de tenir avec ses homologues.

Il est désormais admis que ce projet d’attentat, prévu pour l’été 2002, était réel mais qu’il s’agissait d’abord pour Al Qaïda de détourner l’attention des services occidentaux en les attirant vers des cellules maghrébines. Le fameux briefing du 6 août 2001 réalisé par la CIA au profit du Président des Etats-Unis mentionnait la volonté d’Al Qaïda de réaliser une attaque sur le territoire américain. La découverte du complot Beghal mobilisa donc les énergies du FBI et de la CIA, et la délégation américaine participant à la réunion parisienne du 6 septembre 2001 consacrée à cette menace fut composée d’un nombre considérable d’agents qui surprit leurs homologues français.

Comme on peut le voir dans cette note, déclassifiée en 2004,  le fameux avertissement adressé par la CIA au Président Bush ne contenait rien de bien sensible : un rappel de l’affaire Ressam (décembre 99), et la confirmation que des cellules jihadistes sont actives sur le territoire US. Cette dernière information n’était pas nouvelle, et était considérée à l’époque par le FBI comme une des données fondamentales du paysage terroriste.

5/ Mais pendant que les grands services occidentaux traquaient entre l’Afghanistan, le Moyen-Orient et l’Europe les « cosmocrates » jihadistes, les bureaux locaux du FBI en Floride et en Arizona détectaient d’étranges élèves dans des écoles de pilotage. De plus, à Boston, ville bien connue des spécialistes pour son fameux réseau de chauffeurs de taxi islamistes radicaux, le même FBI interpellait un citoyen franco-marocain, Zacarias Moussaoui, pour un défaut de titre de séjour. L’officier en charge de l’affaire eut rapidement un doute sur l’individu et demanda à un juge d’autoriser une perquisition poussée du logement de l’individu et d’explorer le disque dur de son ordinateur. Cette autorisation lui fut refusée, jusqu’à ce que la DST française, interrogée par le FBI, révèle que Moussaoui était un sympathisant jihadiste bien connu, lié aux filières tchétchènes. Trop tard…

Les rapports envoyés par les antennes de Miami et de Phoenix furent perdus dans une remarquable illustration de ce qu’on appelle dans les services français – qui le pratiquent avec talent – le « sous-coudage ». Par ailleurs, la vétusté du réseau informatique du FBI empêcha un agent du bureau de Floride d’envoyer par e-mail les photos des suspects. Il fut ainsi contraint d’expédier une disquette par la poste jusqu’à Washington… Enfin, l’enquête révéla par la suite que plusieurs des terroristes avaient pu entrer aux Etats-Unis malgré les avis d’alerte émis par la CIA (cf. supra) Complot ? Non. Incompétence ? Oui, en partie, comme dans toute administration complexe. Facteur humain ? Hélas oui.

6/ Les Allemands, pour leur part, firent preuve, eux aussi, d’une coupable négligence en laissant se développer la fameuse cellule de Hambourg. Contraints par un système judiciaire conçu à la suite de la catastrophe nazie, les services de sécurité allemands firent longtemps fait preuve d’une très grande prudence à l’égard de l’islam radical. Ils redoutaient d’être accusés de discrimination et de bafouer la liberté d’opinion. En 1999, ces services, par ailleurs handicapés par le cirque administratif fédéral, libérèrent ainsi l’émir des jihadistes tunisiens en Europe en le considérant comme un simple délinquant… Il était en effet inconcevable pour les services de sécurité de Berlin de surveiller des individus en raison de leurs pratiques religieuses, même radicales…

7/ L’Espagne, plus mobilisée, ne fut cependant pas capable d’identifier les liens entre la cellule de Hambourg et un des leaders d’Al Qaïda en Europe, Imad Eddine Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah, financier des attentats du 11 septembre… Comme leurs homologues européens, les services espagnols concentraient leurs efforts sur les réseaux jihadistes maghrébins. L’arrestation en juin 2001 d’un des hommes impliqués dans le complot contre la cathédrale de Strasbourg conforta les analystes dans la certitude que la menace était d’abord maghrébine.

8/ Les Saoudiens semblaient pour leur part au courant de beaucoup de choses. Le prince Turki al Faisal, chef des services de renseignement royaux, ancien « traitant » d’Oussama Ben Laden, démissionna d’ailleurs brutalement à la fin du mois d’aoûut 2001, après avoir organisé la livraison aux Talibans de 200 pick-ups parfaitement équipés… Beaucoup pense que cette démission surprise fut provoquée par la découverte de l’imminence d’un attentat majeur, voire que le Prince fut poussé dehors pour limiter les inévitables conséquences d’une telle catastrophe sur les relations entre Riyad et Washington.

9/ Mais le pire est que le concept mis en oeuvre du 11 septembre avait été validé dès 1994 à l’occasion de l’échec de l’opération Bojinka, un vaste complot visant à détourner au-dessus du Pacifique une série d’avions de ligne pour les faire s’écraser aux Etats-Unis et au Japon. Le projet était mené par Ahmed Ramzi Youssef, principal exécutant de l’attentat de 1993 contre le World Trade Center et neveu de Khaled Sheikh Mohamed, le concepteur des attentats du 11 septembre… Ramzi fut arrêté en 1995 au Pakistan, pendant que son oncle, avec lequel il avait conçu la bombe du vol Philippines Airlines 434 (cf. http://en.wikipedia.org/wiki/Philippine_Airlines_Flight_434) demeurait insaisissable. Réfugié au Qatar en 1996 avec la complicité des autorités locales, KSM échappa en janvier en 1996 à une opération du FBI à Doha alors qu’il était un fonctionnaire modèle du Ministère de l’Energie et de l’Eau dans l’émirat. Les services américains ont toujours été persuadés qu’il avait été prévenu par un membre du gouvernement local.

Lors de son transfert à New York, Ramzi, passant en hélicoptère devant les Twin Towers, déclara aux agents du FBI « qu’un jour ces tours tomberaient ». Il faut respecter les hommes accrochés à la réalisation de leurs projets.

10/ Le seul fait concret dont disposaient en fait certains services, dont ceux de la République, étaient les interceptions des communications de l’ONG islamiste radicale Al Wafa, financée par Oussama Ben Laden et étroitement liée à une autre ONG impliquée dans le jihad, l’Al Rashid Trust Foundation. Pour le moins obscures AVANT le 11 septembre, ces quelques conversations prirent tout leur sens APRES le 11 septembre et la sanction américain fut à la hauteur de l’affront. Le bâtiment de l’ONG fut détruit par un tir de Tomahawk dans les premières heures de l’intervention US en Afghanistan, provoquant un carnage dénoncé par les organisations humanitaires occidentales qui ignoraient qu’au-dessus du dispensaire géré par Al Wafa étaient entreposées des armes et des munitions. La déflagration n’en fut que plus violente, mais personne ne songea à accuser l’ONG d’utiliser comme boucliers humains de jeunes enfants…

Bien sûr, donc, mis bout à bout, tous ces éléments constituent un tableau effrayant. Mais l’échec du 11 septembre est d’abord celui de la communauté du renseignement, engagée dans de multiples opérations, courant après des terroristes à travers le monde et incapable de prendre le recul nécessaire à la découverte du tableau dans son ensemble. Lourdeurs administratives, erreurs humaines, refus inconscient d’envisager le pire… Ces phénomènes sont à l’origine de nombreuses catastrophes stratégiques, et rien ne nous préserve de leur répétition.

La République des petits bras

Dans son édition du 15 septembre, le quotidien Libération évoque l’arrestation en 2002 en Espagne de deux membres de la DGSE, manifestement en train de préparer ce qu’on appelle dans le jargon de la maison une « mission homo ». (cf. http://www.liberation.fr/societe/0101590997-les-agents-de-rondot-troublent-l-espagne).

Ces missions, rarement exécutées, sont planifiées par le Service Action de la Direction des Opérations et font l’objet d’intenses préparatifs, si concrets que les entraînements et autres répétitions ressemblent parfois à s’y méprendre à de véritables opérations. Qu’il me soit permis ici de saluer le courage de ces hommes, leur engagement au service de la République et les immenses compétences qu’ils ont développées et qu’ils entretiennent en attendant que nos dirigeants se souviennent que la France n’est pas que la patrie de Georges Bonnet.

Evidemment, on ne peut que regretter cette affaire, qui jette le doute sur les capacités de nos agents. Mais, comme le disait un sous-officier de mes connaissances, citant une de ces fortes pensées qui font le charme de l’institution militaire, « il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreur ». La révélation de ce mini fiasco cache surtout les succès, parfois miraculeux, que les services français enregistrent depuis des années, lors de la libération d’otages comme lors de démantèlements de cellules terroristes.

Un point me chagrine bien plus que cette mésaventure : il s’agit des réactions d’Alain Richard, alors Ministre de la Défense, et de Lionel Jospin, alors Premier ministre. Comme le rappelle Libération, les deux hommes « ont démenti avoir «envisagé ou encouragé» des projets «d’assassinats ciblés» après le 11 septembre 2001″. Fidèles à leur grand courage politique (le premier a toujours considéré le Ministère de la Défense comme une charge indigne de ses grandes qualités, et le second a « choisi de se retirer de la vie politique » après la déroute de 2002), nos deux anciens responsables réagissent comme deux premiers communiants surpris en train de feuilleter les pages « lingerie » du catalogue de La Redoute. Un service spécial ? pas au courant. Des commandos à Cercottes, Perpignan, Quelern ? Ah non, ça ne me dit rien. Des agents secrets entraînés à tuer des ennemis de la République ? Quelle idée. Et d’abord la France n’a pas d’ennemis, c’est bien connu.

Cette nouvelle lâcheté d’une partie de la classe politique française, celle-là même qui soutient les pires dictatures d’Afrique et enterre les enquêtes sur la mort de journalistes en Côte d’Ivoire, en Polynésie ou d’un magistrat à Djibouti, m’afflige. On me pardonnera, malgré toutes ces années, mon idéalisme.

Où est l’homme qui dira : « En effet, après le 11 septembre 2001, nous avons autorisé les services spécialisés à réaliser des dossiers d’objectif afin, le cas échéant, d’éliminer des menaces directes contre nos intérêts ou ceux de nos alliés. La responsabilité d’un responsable politique porté au pouvoir par l’expression de la volonté du peuple est de protéger celui-ci. » Sinon, on ferme et on transforme les centres du SA en hôtels de luxe.

J’ajoute, juste pour le plaisir, que l’Espagne abritait à l’époque plusieurs terroristes directement liés aux groupes jihadistes maghrébins et à Al Qaïda. Qui sait si l’élimination de quelques uns de ces aimables individus n’aurait pas empêché les attentats du 11 mars 2004 ? Mais non, mieux vaut nier, se défausser, parler de dérives barbouzardes.

Tiens, ça me fait penser à quelque chose : c’est le même gouvernement qui en septembre 2001 a interdit à certains services d’enqûeter sur l’explosion de l’usine AZF à Toulouse. Il y pire que le mensonge, c’est la peur de la vérité.

Retour aux textes

Le très fréquenté blog de Libération, « Secret défense », a mis aujourd’hui en ligne un remarquable texte du théoricien australien de la contre-insurrection David Kilcullen (à gauche sur la photo). On me pardonnera de reprendre à ma façon cette contribution en la complétant bien modestement.

Ce texte, initialement écrit en 2006 à l’intention des troupes engagées en Irak, reflète les vues des nouveaux stratèges anglo-saxons, dont le général Petraeus, que Kilcullen a conseillé, est l’archétype. Intitulé « Twenty-Eight Articles. Fundamentales of Company-level Counterinsurgency », il est disonible à l’adresse suivante : http://edbatista.typepad.com/edbatista/files/2007/01/DJ_Kilcullen_28_Articles_Counterinsurgency_March_2006.pdf.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, je ne peux que conseiller le remarquable exposé du même Kilcullen, téléchargeable à l’adresse http://www.smallwars.quantico.usmc.mil/documents/Counterinsurgency_in_Iraq_Theory_and_Practice_2007.pdf sur le site du Small Wars Center of Excellence du Corps des Marines (cf. http://www.smallwars.quantico.usmc.mil/).

Les Français oublient souvent que l’Australie a, pour une jeune nation, un passé militaire bien rempli. L’Australian War Museum de Canberra, que j’ai eu la chance de visiter, met en évidence l’engagement permanent de l’Australie depuis la création des forces de la colonie britannique, d’abord aux côtés de la Métropole – lors de la guerre des Boers par exemple – puis de façon indépendante lors de deux guerres mondiales, notamment en Birmanie,  puis en Corée, au Vietnam, au Timor, en Irak, en Afghanistan, et pour tout dire partout où cela chauffe.

Les militaires australiens sont formés au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et entretiennent un esprit de rusticité que les Français croient être les seuls à posséder. Mais être rustique n’empêche pas de penser, et les Australiens ont lu, eux aussi, les grands textes de la guerre révolutionnaire et les manuels de contre-insurrection. Kilcullen cite Galula, T. E Lawrence.

 Il cite également Robert Thompson, un expert peu connu de ce côté du monde et pourtant auteur de quelques livres fondamentaux, dont en 1966 « Defeating communist insurgency » sur son expérience en Malaisie et au Vietnam (où il conseillera les Etats-Unis) et surtout en 1969 « No exit to Vietnam » qui en dit long sur son analyse conflit.

Mais, bien qu’il ne les cite pas, Kilcullen est aussi l’héritier des Lyautey, Galliéni, et des vétérans que la France prêta aimablement à l’Empire dans les années ’60, dont le sulfureux général Aussaresses.

  

Le général Aussaresses, dont le nom évoque chez les lecteurs de James Ellroy la fameuse Ecole des Amériques, a par ailleurs contribué au projet Condor, mais c’est une autre histoire. Interrogé sur les dictatures sud-américaines soutenues par la CIA, William Colby répondait : « Ce sont peut-être des salauds, mais ce sont NOS salauds ».

  

9 septembre 2001 : la mort du commandant Massoud

Il y a huit ans mourait dans un attentat-suicide le commandant Ahmed Shah Massoud, le Lion du Panshir, tacticien hors-pair, chef de guerre sans pitié, homme politique ambigu, personnage fascinant.

Curieusement, les conspirationnistes n’évoquent jamais cet attentat aux conséquences majeures, comme si la preuve irréfutable de la responsabilité d’Al Qaïda dans cette affaire les gênait. Mais on comprend que des esprits aussi tortueux préfèrent se perdre en discussions sans fin sur la résistance du béton des Twin Towers.

L’assassinat du commandant Massoud fut un succès majeur d’Al Qaïda. Pour la première fois, les responsables de l’organisation atteignirent en effet une de leurs principales cibles en associant étroitement lors de l’opération cellules maghrébines, à l’époque sans véritable leader, et réseaux jihadistes. Les deux terroristes ayant assassiné le chef de l’Alliance du Nord étaient en effet porteurs de passeports belges volés à Strasbourg et La Haye en 1999 et munis de faux visas pakistanais obtenus à Londres. Un passeport volé à Strasbourg dans la même série avait déjà été retrouvé en possession d’un terroriste marocain, Mustapha Maakoul, arrêté au Pakistan en 2000 alors qu’il préparait des attentats pour le compte d’Oussama Ben Laden.

Les deux assassins de Massoud avaient de surcroît bénéficié de l’aide décisive d’un islamiste radical égyptien basé à Londres, Yasser Toufik al Siri, le responsable de l’Islamic Observation Center. Ce sympathisant du Jihad Islamique égyptien et de la Gama’a Islamyyia avait en effet fourni aux terroristes une lettre d’accréditation et des cartes de presse de son organisme leur permettant de se faire passer pour des journalistes. La justice a estimé qu’il ignorait que ces documents allaient contribuer à la mort du chef de l’Alliance du Nord, mais l’intime conviction des services n’a pas changé. Je rends d’ailleurs ici hommage à l’analyste français qui, seul, et en pleine tourmente post-11 septembre, trouva la clé de cette affaire. Il se reconnaîtra.

Yasser Toufik al Siri était déjà bien connu des services de sécurité occidentaux et moyen-orientaux pour son implication dans la tentative d’assassinat, en 1993, du Premier ministre égyptien Atef Mohamed Sedki par un groupe nommé Les Avant-gardes de la Conquête, une expression chère au bon docteur Ayman al Zawahiry. Al Siri était également recherché par le FBI qui le soupçonnait d’avoir financé pour partie la cellule de Brooklyn ayant commis en 1993 le premier attentat contre le World Trade Center. La suite de l’enquête sur l’assassinat de Massoud permit de confirmer l’implication dans cette affaire d’un terroriste belge d’origine tunisienne né à Oran, Amor Sliti, responsable d’une filière de faux documents administratifs en Europe au profit des réseaux maghrébins. Quant aux veuves des assassins, elles furent accueillies aux Emirats Arabes Unis par Oum Bilal, la veuve de Redouane Laadjal alias Abou Bilal, l’ancien chef de la Maison des Algériens en Afghanistan.

Mais ceci est une autre histoire, qui nous conduirait en Stockholm, à Alger, à Londres. Une autre fois…

Afghanistan : une sale guerre ?

Un soldat français est tombé hier en Afghanistan, tué par l’explosion d’une bombe artisanale. Neuf de ses camarades – et non de ses « collègues » comme l’a dit hier un journaliste de France Info qui les confondait sans doute avec des employés de la Mairie de Paris – ont également été blessés, certains sérieusement. Je me permets ici de rendre hommage à ces soldats qui conduisent au coeur du monde une guerre que peu veulent comprendre et qui défendent, malgré elles, nos valeurs.

La mort de ce jeune caporal, dénoncée à Paris par les « anti-guerre », ceux-là même qui défilent pour la laïcité et font assaut d’humanisme, intervient alors qu’un raid de l’OTAN contre un groupe de Taliban (je me refuse à qualifier ces individus d’insurgés) a entraîné la mort de plus de 90 personnes. Si ce bilan est proprement terrifiant, et s’il y a tout lieu de penser que de nombreux civils ont en effet été touchés par ce raid, il serait bon de rappeler qu’il a été provoqué par l’explosion d’un camion-citerne volé par des Talibans et touché par un projectile au milieu d’un village. Sans vouloir me faire l’avocat du pilote qui ouvert le feu et qui doit en avoir gros sur le coeur ce matin, je rappelle que les Taliban maîtrisent parfaitement la désormais fameuse méthode du bouclier humain, et surtout qu’ils savent, comme toutes les guérillas qui les ont précédés, que les démocraties en guerre ne supportent pas la mort. Dès lors, plutôt que de tenter de vaincre les forces alliés en rase campagne, les Talibans procèdent par opérations ponctuelles et utilisent au mieux les inévitables bavures – voire les provoquent.

Les Français n’aiment pas la guerre. Il convient de s’en féliciter. Il faut hélas parfois le déplorer car cette posture, qui les a vus refuser d’intervenir contre le Reich en 1936 et 1938, les a conduits où l’on sait.

Plus grave, les Français, comme les Européens, ont perdu toute connaissance de la guerre, et ce, rendons grâce au ciel et à la sagesse de nos père, gâce à la paix qui règne sur le continent depuis 1945. Les Français n’ont plus qu’une vision édulcorée de cette catastrophe habituelle de l’histoire humaine, et ils ont oublié les drames qui l’accompagne. Il faut ici remercier la médiocrité des programmes d’histoire de nos collèges et de nos lycées.

La mort de soldats et la mort de civils, en Afghanistan comme en RDC ou au Sri Lanka, font partie de ces horreurs que nous devons intégrer. L’incapacité criante de nos dirigeants à expliquer ce conflit et le défaitisme criminel des pacifistes d’extrême-droite ou d’extrême-gauche constituent le second front de cette guerre. A nous d’expliquer qu’il ne s’agit pas de colonialisme et qu’il n’y a nulle gloire à vouloir défendre les « traditions » d’individus qui pratiquent le crime d’honneur.

Quand le Canard Enchaîné sort de son champ de compétences.

« Hebdomadaire satirique paraissant le mercredi », le Canard Enchaîné est sans doute la dernière preuve que nous vivons dans une démocratie et pas dans une république bananière.

Pourtant, de temps à autres, probablement aveuglés par des certitudes idéologiques et une ignorance assez crasse des questions de défense, les journalistes du respecté palmipède se laissent aller à des déclarations hâtives. Ainsi, dans l’édition du jour, un certain P. L – sans doute Patrice Lestrohan – avance sans autre preuve que son propre parti-pris une affirmation plus que discutable sur le bilan de la CIA contre les dirigeants d’Al Qaïda.

Nul ne contestera l’échec du renseignement américain à l’occasion du 11 septembre 2001 – même s’il convient de blâmer d’abord le FBI, et s’il faut rester prudent dès que l’on parle de faillite du renseignement, surtout en France… J’y reviendrai.

Nul ne discutera non plus le caractère abject de certaines des pratiques de la CIA à l’encontre de ses prisonniers. La torture est indigne d’une démocratie – j’y reviendrai prochainement – et n’est de toute façon d’aucune utilité contre des prisonniers déconnectés de leurs réseaux. Dans d’autres circonstances…

Mais, hélas pour les amateurs plus ou moins éclairés du Canard, le bilan de la CIA contre les responsables d’Al Qaïda est bon, très bon même. Passée la stupeur devant l’ampleur de la catastrophe de septembre 2001, l’agence a su retrouver les méthodes du renseignement humain (HUMINT) et surtout est passée à l’action. L’élimination lors des premiers raids aériens sur l’Afghanistan de Mohamed Atef, alias Abou Hafs al Masri, l’adjoint d’Oussama Ben Laden, ou celle de Juma Namangani, émir du Mouvement Islamique d’Ouzbékistan (MIO) ont montré la rapidité avec laquelle la CIA avait su tranformer en actions concrètes les renseignements recueillis par la NSA ou transmis par ses alliés. Les arrestations successives d’Abou Zoubeida ou de Khaled Sheikh Mohamed, comme les morts successives des émirs d’Al Qaïda en Irak, en Arabie saoudite ou au Pakistan, comme les disparitions prématurées de certains opérationnels au Yémen, aux Philippines ou en Somalie, ont largement fait la preuve de la santé retrouvée de la CIA. Les raids réguliers dans les zones tribales pakistanaises font peser sur l’état-major d’Al Qaïda comme sur les Talibans une pression à peine supportable. Même Oussama Ben Laden, malgré d’infinies précautions, semble avoir succombé aux coups vengeurs de l’Empire, soit directement grâce à impact direct de Hellfire, soit indirectement, la vieille carcasse du terroriste n’ayant pas résisté à cette fuite incessante.

L’agence va désormais devoir s’expliquer sur son obéissance aveugle aux ordres des hystériques conduits par Cheney. Mais il faudra bien veiller à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain…

La CIA et les « exécutions extra-judiciaires » : soit on fait la guerre, soit on ne la fait pas.

Je le dis tout net, tuer des terroristes lors d’opérations militaires en Algérie, dans le Sahel, en Somalie, dans le Golfe, en Irak ou en Afghanistan ne me pose pas de problème moral particulier. La tristesse liée à la mort d’un être humain est largement compensée par la satisfaction du devoir accompli, mais le membre d’un groupe terroriste tué ou capturé alors qu’il combat au sein d’une guérilla doit être considéré comme un combattant relevant des différentes conventions de Genève relatives au droit de la guerre, et non comme un « non-être juridique », selon les principes de l’Administration Bush.

Deux solutions s’offrent face à des groupes terroristes assez puissants pour contester la souveraineté d’Etats sur leurs territoires, comme au nord du Nigeria, en Somalie ou au Pakistan : la judiciarisation ou l’élimination. Pour ma part, j’ai choisi le pragmatisme.

La judiciarisation est la solution la plus acceptable, aussi bien moralement que politiquement. Je reste ainsi persuadé que les unités américaines présentes en Afghanistan en octobre 2001 auraient mieux fait de remettre leurs prisonniers au FBI, compétent dans le monde entier pour les questions de terrorisme, plutôt que de les confier aux agents de la DIA, le service de renseignement du Pentagone, que l’on sait incapable de mener une enquête sérieuse et encore moins un interrogatoire digne de ce nom. La remise des prisonniers à la justice américaine aurait permis d’éviter la création des fameuses prisons secrètes de la CIA – dont l’utilité fut, hélas, réelle, mais dans de bien difficiles conditions – et surtout l’apparition de ce cancer diplomatique qu’est le camp X-Ray de Guantanamo.

La judiciarisation n’est pas hélas pas toujours si simple ni si pratique. Souvenons-nous de Djamel Beghal, arrêté à Dubaï en juillet 2001, détenu illégalement et torturé par les services émiratis, avant d’être remis à la justice française dans de troubles circonstances… Ah, qui n’a pas rêvé devant un Transall sans cocarde se posant sur une base militaire du Golfe avec à son bord des membres de la DST. La justice emprunte parfois des voies bien tortueuses.

L’action clandestine, aux ordres du pouvoir politique, peut parfois avoir du bon. Dans certains cas, je suis au regret de dire aux belles âmes que l’élimination d’un terroriste par un groupe des forces spéciales ou par un service de renseignement peut avoir de bons côtés. Elégamment qualifiées par les Israéliens d’assassinats ciblés – mais je ne parviens pas comprendre ce que pourrait être un « assassinat non ciblé », ces opérations doivent être comprises comme des « retraits », comparables à ceux pratiqués par les « blade runners » sur les « répliquants » dans le roman de Philip K. Dick. Il s’agit de traiter une menace, de la gérer au mieux, et si possible d’éviter les dommages collatéraux.

La question de ces « retraits » est un défi moral et administratif majeur dans nos démocraties démobilisées par 60 années de paix et sclérosées par la « course aux honneurs », qui décourage l’initiative et favorise les hiérarchies sans énergie. Car quoi que l’on pense des donneurs d’ordre et de leurs ordres, il faut leur reconnaître le courage, si rare, surtout dans notre pays et dans certains de ses services, d’assumer leur commandement et d’en faire usage. Aux Etats-Unis, les moyens financiers colossaux et un réel sens du secret permettent parfois aux directeurs un peu nerveux de déléguer à d’autres le soin d’accomplir leurs missions.

La presse américaine a ainsi récemment récemment que la CIA avait, en 2004, confié à des prestataires extérieurs le soin de traquer et d’éliminer des émirs d’Al Qaïda. Et l’on apprend aujourd’hui que ces mystérieux prestataires n’étaient autres que les poètes de Blackwater, aimable société militaire privée (SMP, mais en France on dit « mercenaires », en tout cas pour l’instant), connue pour son goût du massacre de civils irakiens et la qualité plus que moyenne de ses employés.

Comme mus par un réflexe pavlovien, la presse et un grand nombre d’observateurs se déchaînent devant cette nouvelle preuve des dérives de la Présidence Bush. Mais que critique-t-on précisément ? Le recours à des mercenaires pour des missions relevant de la seule autorité de l’Etat, ou le fait que la CIA ait décidé d’éliminer clandestinement des responsables terroristes ?

La semaine dernière, le point le plus critiqué était le fait que les services américains avaient lancé un programme d’élimination, comme si le fait de vouloir abattre ces ennemis était répréhensible. Tous les services du monde font cela, pour la simple et bonne raison qu’ils ont été conçus pour cette mission. En France, les préparatifs de ces opérations sont bien connus dans le milieu militaire sous le sigle (ah ! les sigles militaires français…) de RFA : Reconnaissance à Fins d’Action (RFA). Ils sont régulièrement pratiqués, sans jamais aller au bout, jusqu’au jour où… Il y a, dans ces exclamations choquées, la preuve d’une candeur presque criminelle et un parti-pris moralisateur bien éloigné des réalités du monde.

En fait, le véritable scandale, dans cette affaire, ne réside pas dans le fait que la CIA ait voulu tuer des terroristes, mais bien dans le fait qu’elle ait « externalisé cette prestation », comme on externalise une cantine scolaire. En confiant à des « amateurs » le soin d’identifier puis d’éliminer des ennemis, la CIA a délibérément fui ses responsabilités, plus par crainte de l’échec que par désapprobation morale. Elle a surtout pris un risque politique majeur, et on ne peut que se féliciter que les quelques millions de dollars donnés par l’agence de Langley n’ait abouti à aucune action. Nul doute en effet que les employés de Blackwater auraient laissé derrière eux autant d’indices qu’une bande de scouts, et je ne parle même pas des éventuels échecs, bavures, etc.

Soyons donc clairs sur un point fondamental : quand on fait la guerre, ou du moins quand on a la prétention de la faire, il faut la faire soi-même. Il ne s’agit pas de confiance dans ses capacités, il s’agit d’honneur et de responsabilité. Confier à des nostalgiques des « Oies sauvages » de telles missions n’est ni plus ni moins que de la lâcheté.

 

NB : En réponse à une question du Docteur Ayman al Z, de Peswhawar (Pakistan), je me permets d’éclaircir encore ma position. Soit nous vous arrêtons et nous vous jugeons de façon impartiale, soit votre arrestation est impossible pour des raisons techniques et nous vous éliminons. La peine de mort ne pouvant être requise contre vous, nous vous offrons le risque d’une condamnation à la prison à vie en échange d’une occasion de vous expliquer sur la motivation de vos actes. Sinon, un groupe de soldats d’élite et un drone régleront la question de façon plus définitive. Dans les deux cas, il ne s’agit pas tant de rendre la justice que de gérer une menace.

Etrange défaite et étrange victoire

Je délaisse Al Qaïda pour vous signaler la réédition, prévue à la fin du mois de septembre, de l’étude d’Ernest R. May « Strange victory: Hitler’s conquest of France ».

Il s’agit d’un ouvrage indispensable, qui explique l’inexplicable, ce que Sir Basil Liddell Hart décrit dans son « Histoire de la Seconde guerre mondiale » comme la plus spectaculaire victoire militaire de l’ère moderne.

Et il ne vous aura pas échappé que May emprunte son titre à Marc Bloch, dont « L’étrange défaite » reste un chef d’oeuvre fondamental que chaque Français devrait avoir lu, et qui devrait figurer dans toute bibliothèque d’officier. Pour les admirateurs, je ne peux que conseiller ce site : http://www.marcbloch.fr/sommaire.html.