« Le loup et l’agneau partageront la même couche, mais l’agneau ne dormira pas beaucoup. » (Woody Allen)

Pour la deuxième fois en une semaine, Bernard Squarcini, ancien n°2 des Renseignements Généraux et actuel Directeur de la DRCI, a averti ses compatriotes de l’imminence d’une menace terroriste sobrement qualifiée de « majeure ». Quand on connaît l’homme, les services français et l’habituelle discrétion de nos gouvernants sur ces sujets, on est en droit de penser que le danger est là et qu’il ne saurait être comparé aux supposés ravages d’une maladie exotique, fut-ce-t-elle porcine ou aviaire.

Le calamiteux mode de gouvernement mis en place depuis 2007, fait d’outrances verbales, d’amateurisme, de mauvaise foi, d’incompétence et d’aveuglement, a durablement détourné les Français de leurs dirigeants. Dans ces conditions, les appels à la vigilance de M. Squarcini ne suscitent que des réactions proprement imbéciles. Les accusations sont nombreuses, et elles en disent long sur les imprécateurs.

Des menaces terroristes ? Encore une manœuvre de diversion pour stigmatiser une religion et/ou une communauté, ou pour faire oublier les interventions du DGPN en faveur de son fils, ou pour détourner l’attention de la désastreuse affaire Woerth, ou encore pour justifier l’extrême énervement d’un Président qui de toute façon n’a jamais été très calme. Et si ces menaces sont avérées, elles ne sont, de toute façon, que la conséquence de son atlantisme, de la loi sur la burqa, de l’engagement français en Afghanistan, voire de nos rapports par trop étroits avec les dictatures du Sahel.

Tout se passe, en réalité, comme si une partie de l’équation était sciemment ignorée par les imprécateurs – ceux-là même qui dans de grands élans lyriques inspirés par un vieux fond pétainiste, par une coupable nostalgie pour le marxisme ou par un gaullisme rance, me conspuent à longueur de mails, me soupçonnent d’être vendu à l’Amérique ou de ne pas être un authentique « patriote ». Pour ceux-là, et dans une remarquable démonstration de logique, on peut être vendu à tous les camps, quand bien même seraient-ils incompatibles, et c’est bien en raison de la médiocrité de ces reproches que nous allons les ignorer et nous concentrer sur ces menaces terroristes émanant de la mouvance jihadiste.

Il ne m’appartient pas ici de révéler quoi que ce soit sur la nature des menaces qui pèsent sur notre pays et surtout sur nos concitoyens. Il me semble en revanche plutôt utile de rappeler quelques points fondamentaux :

La France est menacée par les groupes islamistes radicaux algériens depuis le début de la guerre civile algérienne (1992). Accusée d’avoir soutenu le coup d’Etat qui mit fin au processus électoral qui devait donner au Front Islamique du Salut (FIS) la majorité parlementaire, la France n’a cessé d’être visée par les mouvements islamistes algériens : assassinats et enlèvements dès 1993, attentats en France en 1995, sans parler de la terrible affaire de l’Airbus en décembre 1994. Inutile de préciser que le Président de l’époque, un certain François M, n’était pas connu pour être un homme facilement agacé, fasciné par les Etats-Unis ou amateur de montres que seuls portent les souteneurs et les golden boys.

Faut-il préciser que la haine que nous vouaient – que nous vouent toujours – les radicaux algériens avait surtout à voir avec notre douloureuse histoire en Afrique du Nord, notre soutien au régime algérien et surtout nos valeurs républicaines et laïques ? Qui se souvient, parmi les « experts » qui se succèdent dans les médias, que de nombreux membres du FIS ou du GIA étaient des fils de harkis, rejetés par l’Etat algérien comme leurs parents l’avaient été en 1962 ? N’est-ce pas être aveuglé qu’attribuer à un seul homme, même le plus critiquable, la cause de tous nos maux ? Estimer que chaque phénomène n’est le produit que d’une cause simple ne révèle-t-il pas l’étendue de l’ignorance, voire de l’inconscience, de ceux qui osent de telles analyses ?

Malgré les vociférations de certains, d’ailleurs de plus en plus nombreux, la France est et reste, jusqu’à plus ample information, un pays occidental, et elle est à ce titre incluse par les islamistes radicaux et autres jihadistes dans leur simplissime vision du monde : les pays musulmans et les autres.

On peut déplorer, comme moi, que cette rhétorique primaire prenne en otage une religion et sa civilisation, on peut tout autant regretter le silence embarrassé des autorités morales, mais il faut bien constater que cette vision du monde est partagée, ou du moins acceptée, par un nombre croissant et préoccupant des habitants de cette planète. Notre système social, notre mode de gouvernement, notre organisation économique, malgré leurs ratés et leurs difficultés, sont à la fois enviés et contestés par une frange de la population mondiale. N’oublions pas que de nombreux Etats occidentaux ont été visés et/ou frappés par le jihadisme (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Belgique, Norvège, Suède, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Italie, France), qu’ils soient ou non membres de l’OTAN, engagés ou pas en Afghanistan ou en Irak – et parfois même bien avant le déclenchement de ces deux guerres.

Faut-il rappeler que les premières affaires de voile islamique remontent à juin 1989 ? Où était donc Nicolas Sarkozy à l’époque ? Qui était donc Ministre de l’Intérieur et des Cultes ? Et qui a décidé en 2004 d’expulser les imams les plus radicaux, sinon Dominique de Villepin, le Napoléon au petit pied ? Et quel est donc ce Président dont le GIA demanda par deux fois, en 1995 et 1996, la conversion à l’islam ? Et qui a décidé de l’engagement de la France en Afghanistan, sinon un Premier ministre socialiste ?

Les menaces proférées contre notre pays ne dépendent pas tant de nos positions que de notre simple identité, peu importe qui est le Père de la Nation… Ce constat est évidemment terrifiant, car il exonère notre classe politique de ses errements – et Dieu sait s’ils sont nombreux – et nous renvoie à la violence d’individus avec lesquels il est intrinsèquement impossible de s’entendre.

Que les motivations des jihadistes se nourrissent de nos fautes passées ou des injustices dont ils se sentent, à tort ou à raison, victimes, cela ne fait pas de doute. Violences politiques, corruption, pauvreté, occupation, colonisation, personne ne nie ces faits terribles. Mais il s’agit ici de ne pas se leurrer : la phase de négociation est passée, le court moment pendant lequel il nous aurait été possible de sauver l’espoir dans les pays arabo-musulmans est passé, et bien passé. Désormais, et même si le terme choque nos belles âmes, la guerre est là, à nos portes, forme inédite et fascinante d’insurrection globale sur fond de mutations sociales et identitaires occidentales, alors que nos démocraties semblent éprouver du mal à se renouveler à l’occasion d’une longue période de paix – mais comment peut-on en arriver à redouter la paix ?

Je ne vais pas ajouter ma voix au concert actuel à celle des experts, consultants, spécialistes, anciens du 2e Bureau, membres de l’amicale des chaussures à clous, je raconterai plus tard mes humbles souvenirs du Sahel. Je préfère m’inquiéter de la réaction de nos concitoyens, de leur incapacité à séparer la légitime détestation d’un régime avec l’appréhension rationnelle d’une menace. Du coup, les sites Internet de la presse nationale – c’est à se demander d’ailleurs si certains se sont dotés de modérateurs, à moins que ces-derniers ne soient basés près de Peshawar – reflètent la schizophrénie d’un Etat dont le peuple soupçonne ses gouvernants des pires manœuvres tandis que des administrations, des militaires, des universitaires et une poignée de journalistes tentent de prévenir la menace en la décrivant et en tentant d’en dresser un portrait intelligible par le plus grand nombre.

Cette France, obsédée par les complots, suspicieuse, craintive, dégage de bien nauséabonds relents et elle expose dangereusement ses plus grandes et ses plus intimes failles. Le refus de voir l’ennemi, le déni de la menace, qui rappelle le pacifisme le plus irresponsable qui succéda à la Première guerre mondiale et qui facilita grandement la Seconde, l’incapacité à se mobiliser, tout cela en dit long sur notre abattement, sur l’absence de grandes causes, de grands projets.

Le passage à l’acte des terroristes a toujours constitué un défi adressé aux psychologues, aux enquêteurs et aux magistrats. Et je ne parle même pas des kamikazes, intrinsèquement assez délicats à interroger – sauf si vous avez déjà réussi à dialoguer avec un sac à viande. De ce point de vue, les actes de terreur perpétrés par les groupes jihadistes algériens m’ont toujours semblé d’une désarmante banalité, et il a souvent manqué aux opérationnels du GIA la petite touche de fantaisie apportée par les Egyptiens d’Al Qaïda : attentats simultanés, cibles multiples, saturation des défenses. La société française, anxieuse, traversée d’innombrables revendications corporatistes, fragilisée par les menées communautaristes, rongée par le doute, me semble présenter  tous les symptômes d’un malade qui attend qu’on l’achève. Dans notre malheur, nous pouvons nous féliciter de la médiocrité des planificateurs du jihad algérien, mais il nous faut redouter l’habileté du bon Docteur Zawahiry, l’adjoint dévoué d’Oussama Ben Laden (RIP) et l’aimable conseiller de la planète jihadiste. Cet homme, ô combien habile, a sans doute remarqué à quel point la France était « l’homme malade de l’Europe », et il nous faut désormais craindre des coups autrement plus violents que l’enlèvement de 7 employés d’entreprises françaises au Niger.

Quelle sera donc la réaction de la France lorsque Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, se réveilleront un matin comme Madrid, Londres, voire comme Bombay/Mumbai ? Le citoyen français déposera-t-il des bougies devant les gares dévastées, les hôpitaux éventrés et les crèches réduites en cendres avant d’aller manifester silencieusement sa détermination sur une place peuplée de milliers de compatriotes ? Dira-t-il, comme les Londoniens, qu’il se tient debout face aux barbares ? Saura-t-il ne pas céder aux démons gaulois de la vaine polémique, du débat stérile ? Ou au contraire ira-t-il brûler des mosquées, traquer les femmes voilées ? Accusera-t-il son Président d’avoir fomenté les attentats pour détourner le peuple de la réforme des retraites ? Et verrons-nous des milices « blanches et chrétiennes » faire régner dans les rues un ordre qui n’aura plus rien de républicain ?

Ce qui se joue à la fois au Sahel et en Europe n’est ni plus ni moins que le test, observé par nos alliés comme par nos ennemis, de notre volonté et de notre solidité. Je ne suis pas partisan des métaphores sportives, mais on dirait bien que la France vient de prendre un relais et que personne dans l’équipe ne sait si elle peut aller jusqu’au bout.

(soupir)

L’armée israélienne, malgré deux intifadas et la gestion pendant plusieurs décennies des Territoires palestiniens, ne semble toujours pas capable de faire face avec retenue à des civils, fussent-ils des provocateurs.

Plus grave, ce refus obstiné d’adapter une partie de sa doctrine à cet environnement ne constitue pas un obstacle  opérationnel ou politique pour la classe politique israélienne, ou du moins pour le gouvernement.

En donnant l’assaut ce matin, dans les eaux internationales, à l’autoproclamée « flottille de la paix », la marine israélienne a violemment illustré l’autisme des autorités de Tel-Aviv et, pour reprendre l’expression du Haaretz, entraîné le pays dans « a sea of stupidity » (cf. http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/gaza-flotilla-drives-israel-into-a-sea-of-stupidity-1.292959).

Comment les dirigeants israéliens ont-ils pu penser une seule seconde qu’une telle opération se déroulerait sans heurts ? Comment ont-ils pu croire qu’ils parviendraient à maîtriser l’onde de choc médiatique, alors que se trouvaient sur ces navires des journalistes et plusieurs célébrités, dont le grand romancier suédois Henning Mankell ?

En réalité, la réaction israélienne ne déroute pas tant en raison de sa violence et de son caractère disproportionné qu’en raison de ce qu’elle nous dit du gouvernement de Benyamin Netananyahu. Ce-dernier agit comme si Israël était désormais seul au monde, sans allié, sans relais, sans la moindre capacité à s’exprimer autrement que par des raids aériens et des outrances verbales. Faut-il y voir le signe d’un réel trouble dans les relations entre Washington et l’Etat hébreu ? Faut-il en conclure que cet isolement conduit les autorités israéliennes, comme un enfant gâté pris de colère, à commettre toutes les erreurs possibles ?

Il était évident, depuis le début de cette affaire, que cette « flottille de la paix » censée rompre le blocus de Gaza constituait un piège pour Israël. Ne pas intervenir, et c’était apparaître faible, incapable de faire respecter ses décisions. Intervenir, et c’était apparaître sans coeur, sans pitié pour une population qui peut, à raison, s’estimer abandonnée du monde. Mais intervenir dans les eaux internationales, tuer 19 personnes et en blesser plus d’une trentaine, c’est apparaître comme un Etat coupé des réalités, peu soucieux de la vie, peu enclin à mesurer sa violence. On est loin, ici, de la notion moderne d’usage raisonné de la force. Et que dire des déclarations de Tsahal, qui justifie les tirs par l’usage de coûteaux par les membres de la flottille ? A quoi s’attendait-on en mettant le pied sur des navires filant vers Gaza ? A des colliers de fleurs ? Doit-on vraiment croire que les commandos de marine israéliens ne savent pas désarmer un assaillant sans le descendre ? Ne faut-il pas plutôt s’étonner de l’extrême nervosité de ces commandos, du moins ceux dont on a vu des images sur CNN ?

Alors ? Le piège qui s’est refermé sur Israël ce matin, et dont les conséquences s’enchaînent minute après minute (convocations des ambassadeurs, condamnations unanimes, appel du Hamas à une « intifada devant les ambassades »,  prochaines menaces de groupes liés à Al Qaïda, appel d’Israël à ses concitoyens pour qu’ils quittent la Turquie,  silence gêné des alliés), pourrait bien marquer un tournant. La rupture avec Ankara est consommée – surtout si la mort d’un parlementaire turc se confirme – et la vie des défenseurs d’Israël va devenir un enfer. Certaines révisions, plus ou moins déchirantes, devraient être faites : à quoi sert le blocus de Gaza ? (et Dieu m’est témoin que je n’ai pas de sympathie pour le Hamas !). Peut-on vraiment envisager des relations apaisées avec le monde arabe sans résoudre ce conflit ? Peut-on être un ami d’Israël en se voilant la face ?

La paix est-elle possible ? Et si Israël avait décidé, une fois pour toutes, qu’il n’y avait pas d’autre solution que la simple éviction des Palestiniens – ce que tendrait à prouver la poursuite de la colonisation ? Et si le constat des stratèges israéliens n’était que la conséquence de l’immence gâchis des dirigeants arabes ? Incapables de s’entendre, obnubilés par leur maintien au pouvoir, se sentent-ils vraiment solidaires des Palestiniens ? La « cause sacrée » de la Palestine n’est-elle pas d’abord une réaction d’orgueil – un Etat de facto occidental tenant en échec le bloc arabo-musulman ? On comprend décidément bien le désespoir des Palestiniens, vaincus qui subissent chaque jour la honte de la défaite et de la conquête et qui observent avec une amertume dont on n’ose mesurer l’intensité l’utilisation de leur détresse par les dirigeants arabes, jusqu’au Liban qui pourtant n’est pas tendre avec les réfugiés…

Tout est donc réuni pour un nouveau psychodrame sanglant qui laissera quelques civils sur le carreau et les deux camps fièrement campés sur leurs positions. Il ne reste plus qu’un communiqué d’Al Qaïda – sans doute le bon Docteur Ayman – pour achever cette journée. Viendront ensuite les attentats, les lynchages, les tags antisémites, les déclarations nauséabondes auxquelles répondront les argumentaires soigneusement rôdés des propagandistes d’Israël, et pour finir, encore cette immense lassitude.

« Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » (Michel Audiard, dramaturge français, XXe siècle)

Disons-le tout net, non seulement on reconnaît les cons à leur capacité à faire et dire n’importe quoi, mais en plus ils ne nous déçoivent jamais. Saluons donc l’inventivité de Maurice Dufresse/Pierre Siramy, également connu dans certains milieux sous l’aimable sobriquet d’Enculator – d’après la jeune femme qui m’a confié ce secret il y a quelques semaines – qui a, hier sur LCI, froidement déclaré que Clotilde Reiss, l’étudiante retenue en Iran pendant 10 mois en raison de ses prises de position pro-manifestants, avait travaillé pour la DGSE.

Auréolé d’un inespéré succès de librairie avec « 25 ans dans les services secrets », notre ami Maurice avait déjà fait du mal à un Service fragilisé par dix années de réformes inachevées et devenu un exemple fascinant de dépression collective. En réglant ses comptes avec la grâce et l’élégance que chacun lui connaît, l’ancien chef des photocopieuses de la DGSE avait confirmé tout le bien que l’on pensait de lui, aussi bien au Ministère de la Défense que dans une certaine chambre régionale des comptes… Il revient décidément à ceux qui n’ont pas brillé au service de la République de compenser leur médiocre carrière par des saillies plus ou moins répétées, tandis que ceux qui n’ont pas démérité conservent, au contraire, le silence modeste de ceux qui savent. Il suffit, pour vous en convaincre, d’étudier les plateaux de télévision.

Que Maurice Dufresse crache dans la soupe et revisite son passé en occultant quelques pages peu glorieuses, pourquoi pas. Bon vivant, fumeur, buveur, il se sait au soir de sa vie et peut, à bon droit, livrer sa vision, quitte à glisser un ou deux secrets de 2e catégorie à des journalistes avides de révélations, même faisandées. Après tout, que retiendront les historiens des souvenirs remaniés d’un obscur sous-directeur ?

Hélas, en affirmant que Clotilde Reiss avait travaillé pour la DGSE, Maurice Dufresse franchit une ligne rouge et passe du statut de « gorge profonde » du pauvre à celui de saboteur, voire de traître. Entendons nous bien, il ne s’agit pas ici de nier cette affirmation – je ne détiens pas le moindre début d’information au sujet des activités de Clotilde Reisse, et quand bien même je n’en dirais rien – mais de m’étonner du comportement de M. Siramy.

En affirmant publiquement que Mademoiselle Reiss a travaillé pour la DGSE, il la place dans une situation singulièrement délicate. Soit ce n’est pas le cas, et elle traînera des années cette croix, en particulier au cours de sa carrière universitaire. Soit elle a en effet travaillé pour la DGSE, comme « honorable correspondante », et voilà qu’avec elle sont jetés dans la tourmente ceux qui l’ont « recrutée », « traitée », « formée ». Clotilde Reiss n’a pas été jugée en Suède ou au Canada, elle revient d’Iran, un Etat dont on connaît l’amour de la démocratie, de la justice impartiale, un Etat dont les services secrets sont gérés par un Ministère du Renseignement et qui joue avec le feu dans de nombreux dossiers : Liban, Irak, Afghanistan, nucléaire.

Les révélations de Pierre Siramy fragilisent d’un coup nos services, mobilisés depuis 30 ans par l’activisme iranien, mais aussi tous ceux, anonymes, civils, qui tentent de poursuivre l’étude d’un pays et d’un peuple fascinants. Elles fragilisent également la communauté française du renseignement, Elles exposent enfin la vie de nos ressortissants, que de plus en plus de terroristes et de criminels vont prendre pour des espions, pendant que Dufresse va poursuivre sa deuxième carrière. Après tout, comme on dit dans les armées, « la délation est un acte de combat ». Elle devient ici une simple manoeuvre publicitaire, dont la médiocrité ne tranche pas avec l’ensemble de la carrière de son auteur.

Rendez-nous Hubert Beuve-Méry

Toujours prompt à dénoncer les incompétences, réelles ou supposées, le site, lui aussi citoyen, Bakchich.info vient de se couvrir d’un ridicule d’une rare qualité.

Dans un article sobrement intitulé « Le M. Espionnage de Sarko grille son agent », le site d’informations affirme sans rire, sur la foi du compte-rendu d’une audition de Bernard Bajolet remontant au 27 janvier – quelle réactivité ! – que Pierre Camatte était un clandestin de la DGSE chargé de surveiller « l’ex-GIA » (cf. http://www.bakchich.info/Le-M-Espionnage-de-Sarko-grille,10165.html).

Par pure charité chrétienne, il paraît inutile de relever que le GIA a disparu des écrans il y a bientôt 10 ans et que l’actuelle AQMI n’est qu’une évolution du GSPC. Il semble par ailleurs illusoire de tenter d’expliquer que les barbus d’AQMI sont déjà surveillés par des moyens autrement plus sophistiqués qu’un sexagénaire isolé.

On peut en revanche souligner que les propos de M. Bajolet (cf. http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cdef/09-10/c0910020.asp) devant la Commission de la Défense à l’Assemblée étaient en effet ambigus :

« M. Guillaume Garot. Quelles informations pourriez-vous nous transmettre sur les agents de nos services retenus en otage, leur nombre, leur situation ? Quelles sont les perspectives les concernant ?

M. Bernard Bajolet. Nous avons actuellement huit otages. Un au Mali, Pierre Camatte, quatre au Soudan, un en Somalie et deux en Afghanistan. »

La réponse de M. Bajolet est en effet étrange, et dès la fin de son audition certains s’étaient émus des conséquences de cette phrase sur la vie de nos otages. bakchich ne partage pas ces scrupules, on ne s’en étonne évidemment pas.

On est cependant en droit de demander pourquoi Bakchich ne clâme pas partout que les deux journalistes détenus en Afghanistan sont, eux aussi, des membres de la DGSE. Mais les auteurs de cet article savent-ils même ce qu’est un agent clandestin ? Que connaissent-ils du monde du renseignement ?

Rien, on le voit, et on ne peut que déplorer les ravages, dans une opinion déjà exaspérée, de telles approximations. Par ailleurs, d’autres affaires d’otages auraient sans doute pu attirer l’attention des rédacteurs de cet autre média citoyen, dont les écrits ne valent pas mieux que les vociférations d’internautres frustrés qui crient au loup à longueur de journée.

On a les dirigeants qu’on mérite, comme le disait un de mes amis. Il semble que nous ayons une presse obéissant aux mêmes critères.

Affaire Camatte : la fin d’un dogme

En forçant le Mali à libérer, dimanche dernier, 4 terroristes pour obtenir la libération de Pierre Camatte, détenu par Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) depuis le 26 novembre 2009, la France vient d’envoyer un bien étrange message aux terroristes.

Evidemment, personne n’a jamais cru qu’on ne négociait pas avec les terroristes, mais il y a un pas entre entretenir le contact par l’intermédiaire de mystérieux négociateurs et céder sur toute la ligne. En tordant le bras aux autorités maliennes afin qu’elles libèrent, après une parodie de procès, 4 membres d’AQMI, Paris a semé une belle pagaille au Sahel.

La crise diplomatique est en effet désormais ouverte entre Bamako, Alger et Nouakchott. Plus grave, notre coopération sécuritaire avec la Mauritanie a du plomb dans l’aile, sans parler des projets de coopération régionale contre les jihadistes. Et je ne parle même de nos détestables relations avec Alger.

La diplomatie supposée atlantiste de notre Président et les déclarations de fermeté n’y ont donc rien fait, et pour la première fois depuis les complexes prises d’otages au Liban, nous voilà pris en flagrant délit de compromission. Et ce ne sont pas les habituelles dénégations du Quai d’Orsay sur l’air de « nous n’avons pas payé » qui vont nous rassurer, tant il apparaît que la libération de ces 4 terroristes ressemble à s’y méprendre à une rançon.

Alors ? Alors, s’il faut se réjouir de la libération en bonne santé de notre compatriote, s’il faut saluer le travail des services de renseignement et des diplomates, à Paris comme à Bamako, il faut se rendre à l’évidence : en acceptant un deal avec AQMI, la France apparaît désormais comme le maillon faible de l’alliance internationale contre Al Qaïda. Les lois sur la burqa ou les rodomontades présidentielles n’y changeront rien, la France a cédé aux terroristes et a donc transformé la bande sahélienne en un immense supermarché dans lequel les jihadistes n’auront qu’à se servir. Attendons désormais les réactions de l’Espagne et de l’Italie, puisqu’AQMI garde en réserve trois humanitaires espagnols et un couple italo-brukinabé…

Et alors que le général Georgelin balance dans les médias le coût de la prise d’otages en Afghanistan de deux journalistes français (10 millions d’euros), attendons l’estimation du coût de la libération de 4 terroristes au Mali. Que dirons-nous lorsqu’ils tueront à nouveau ?

Espérons, pour finir, que la stratégie adoptée par Paris n’a été que la conséquence d’un bloquage persistant des contacts avec AQMI – hypothèse qui m’attristerait tant la compétence française dans le domaine est enviée – non la nouvelle manifestation d’une impatience qui devient la marque de fabrique de notre vie politique.

France, terre d’asile

On a coutume de dire que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent. Il est dès lors permis de s’interroger sur le peuple français quand on suit les actuels débats qui l’agitent.

Ce blog n’a pas pour objet de commenter l’actualité politique nationale, aussi bien par souci de neutralité qu’en raison de l’insigne médiocrité de cette actualité depuis des années. Cependant, quand la vie publique en vient à se mêler à l’actualité internationale, pourquoi se priver.

Ainsi donc, la politique d’ouverture pratiquée par l’actuelle majorité présidentielle est devenue, en moins de 3 ans, une politique populiste, aux relents nauséabonds. Longtemps complexée, la droite française, désormais décomplexée, n’a rien appris de sa victoire, et exerce donc le pouvoir avec la retenue d’un adolescent timide que l’on aurait jeté dans une maison close après l’avoir enivré.

Le débat sur l’identité nationale, qui se nourrit de vieilles lunes et d’approximations historiques – comme Christian Estrosi l’a récemment démontré en évoquant avec son vocabulaire simple le IIIe Reich – est conduit par un ministre en charge de l’immigration. Que voilà donc un aveu fascinant tant il est assumé : là où ce débat devrait insister sur la dimension plurielle de la société française, il se trouve adossé à une politique qui se contente d’expulser sans jamais intégrer.

Et justement, qui expulsons-nous ? Et vers où ? Des adolescents, vers l’Afghanistan, un pays – le terme d’Etat semble exagéré – en guerre depuis décembre 1979.

Y a-t-il une nécessité impérieuse qui m’échapperait et qui justifierait un renvoi brutal – et singulièrement onéreux pour un pays si endetté – de quelques jeunes hommes vers un pays considéré à raison comme le plus dangereux de cette planète ? On nous dit que le statut de réfugié politique a été refusé à ces adolescents. La belle affaire ! Il serait donc interdit de pratiquer la plus élémentaire charité sous le prétexte que la justice a froidement décidé que leur place n’était pas en France ?

Jamais avare de postures martiales, la fine fleur de nos élus, MM. Lefebvre, Mariani et Luca, entonne fièrement le chant du courage et du patriotisme. Comment ? Des hommes dans la fleur de l’âge, fringants, insolents de santé, seraient réfugiés en France alors que leur nation est défendue par nos troupes ? Mais comment osent-ils protester, eux dont la lâcheté fait monter le rouge de la honte au front de leurs aïeux ? Car notre trio est très clair sur ce point : ces prétendus réfugiés devraient se battre au lieu de quémander un asile – qui leur est d’ailleurs refusé. Ils devraient défendre leur pays contre la barbarie, et mourir à la place de nos soldats. En fait, et pour aller au bout du raisonnement de nos députés de combat, si ces blancs-becs faisaient leur devoir, nous ne serions pas enlisés dans cette guerre lointaine.

Voilà l’argumentaire qui sert à mobiliser un électorat d’anciens combattants, de nostalgiques de l’ordre ancien, dans ces villages où l’on vote Front National sans avoir jamais vu un seul visage étranger. La peur fait décidément des miracles.

Mais le message, comme tous les messages, dépend beaucoup du messager. Et il faut bien admettre que MM. Lefebvre, Lucca et Mariani parlent avec une belle aisance du métier des armes, du courage au feu, du nécessaire sacrifice de sa propre vie pour le bien de tous, mais ils se sont soigneusement tenus à l’écart du combat. Mais, alors, comment osent-ils donner des leçons de courage à de jeunes hommes qui n’ont connu que la guerre ? N’ont-ils pas honte d’une telle légèreté, d’une telle morgue ?

Michel Audiard faisait dire à Fernand Naudin qu’une certaine catégorie de personnes se reconnaît à son audace. Force est de reconnaître cette qualité à nos trois guérilleros de salon, qui moquent, depuis leur bureau de l’Assemblée, la lâcheté supposée d’une poignée d’adolescents.

C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule.

En ces temps troublés où les passions l’emportent sur la raison et l’intelligence, la tâche d’observateur impartial s’avère singulièrement ardue, et ponctuellement – ponctuellement seulement – de peu de poids face à la meute. La tuerie de Fort Hood, perpétrée le 5 novembre dernier, n’a laissé aucun analyste de marbre, et nous avons été plusieurs à redouter les révélations qui se succèdent depuis hier sur le passé du Dr Nidal Malik Hassan. Tout indique désormais, même si l’enquête n’en est qu’à ses débuts, que le médecin militaire a bien commis un attentat. Bien sûr, comme dans de nombreuses opérations terroristes commises par un homme seul, qui plus est engagé dans une démarche d’auto-activation, les motivations politiques et religieuses croisent des motivations personnelles, voire, parfois une profonde détresse morale – ce qui ne constitue en aucun cas une excuse. 

Mais les premières impressions, comme le savent les enquêteurs, doivent être validées, ou invalidées, par le recueil et l’analyse des faits. Ils apparaissent aujourd’hui accablants pour le Dr Hassan, tandis que les témoignages s’accumulent. Ancien fidèle d’une mosquée radicale, qui plus est fréquentée un temps par deux des kamikazes du 11 septembre, Hassan avait été signalé à sa hiérarchie par ses camarades pour des prises de position violemment anti-américaines. Après avoir tenté, en vain, d’être relevé de son poste – il devait partir en Irak – il déclarait volontiers que les deux guerres américaines du moment n’étaient rien d’autres que des guerres contre l’islam. Et je vous épargne le « Dieu est grand » crié par le Dr Hassan pendant qu’il tirait. Cela fait beaucoup. Mais ces faits ne sont connus que depuis hier. Or, dès le 6 novembre, certains se permettaient des jugements définitifs et surtout en tiraient des conclusions. Dans un camp, le Parti Communiste Français, que la commémoration de la chute du mur de Berlin ne semble pas accaparer, s’autorisait le communiqué suivant :  

« La tuerie qui a eu lieu hier sur la base militaire américaine de Fort Hood est significative d’un malaise profond qui touche l’armée des États-Unis. Elle est aussi l’expression de la grave crise qui traverse la société américaine dans son ensemble depuis plusieurs années, et qui continue sous l’actuelle Administration.Les engagements militaires des États-Unis, en Irak et en Afghanistan, n’y sont certainement pas pour rien.Les événements survenus hier à Fort Hood doivent pousser les autorités américaines, à réfléchir au sens même de ces engagements et à la nécessité du retrait des forces d’Irak. De la même manière, l’idée d’un renforcement militaire en Afghanistan doit être remis (sic) en cause. »Il ne peut donc échapper à personne que les communistes français, déjà les plus serviles au temps de l’URSS, continuent à proférer des horreurs, en l’espèce une justification à peine dissimulée de la tuerie.  Mais d’autres tiraient de cette affaire de non moins édifiantes conclusions. Ainsi, le 7 novembre, alors que les corps étaient à peine froids, le site DRZZ.info se laissait aller à une lecture, comment dire, engagée de ce qu’il faut bien appeler un attentat (cf. http://www.drzz.info/article-l-attentat-de-fort-hood-ou-comment-les-islamistes-attaquent-l-armee-americaine-38914543.html). 

Pour les responsables de ce blog, intéressant malgré tout, la certitude d’un attentat était née dès qu’ils avaient appris que le Dr Hassan était musulman. Je vous conseille d’ailleurs les commentaires de cet article, qui ne sont de toute évidence pas modérés. Je me permets d’en citer un, très éclairant  (il va de soi que je ne corrige pas les fautes) :  « En France il y a beaucoup de de Muzz, il faudrait que Sarkozy les sorte oust retour Babel Oued pour les djiadistes qui font bruler les voitures et autres voyous. Pour les Moskies c’est rempli de fanatiques y envoyer l’armée et les sortir de la France et donner le boulot aux Français. » 

Un autre commentateur du blog précisait par ailleurs que le Dr Hassan avait été associé aux travaux de l’équipe de transition de l’Administration Obama… De façon très révélatrice, cette information – qui ne veut rien dire puisque nous ignorons encore quel était l’état d’esprit de Hassan en janvier 2009 – est largement relayée par trois types de blogs :

Les blogs conspirationnistes d’extrême-gauche (je sais, c’est une redondance) qui y voient une preuve de la duplicité de l’Administration américaine à l’égard du jihadisme.

Les blogs conspirationnistes d’extrême-droite (une autre redondance) qui y voient une preuve de la duplicité du Président Obama à l’égard de l’islam, dont on rappelle jusqu’à plus soif que le second prénom est Hussein.

Certains (pas tous, Dieu merci) blogs communautaires qui, au nom de la nécessaire défense d’Israël se laissent aller à des amalgames indignes entre islam et jihadisme. Un peu comme si on devait considérer les croisades et l’Inquisition comme la quintessence du catholicisme, les bûchers de Salem comme celle du protestantisme, le viol de la Prusse Orientale comme celle de l’orthodoxie et la répression de l’Intifada comme la quintessence du judaïsme. 

Jamais à court d’idées, certains se sont même lancés dans une histoire de l’infiltration de l’armée américaine par les islamistes radicaux, afin, sans doute d’effrayer nos concitoyens sur l’air bien connu du « Chez nous aussi… ». Hélas, cette histoire est très courte, et il aurait été sans doute plus pertinent de regarder le phénomène, ô combien inquiétant, du prosélytisme salafiste dans nos prisons. Le seul exemple qui vienne à l’esprit est celui d’Ali Mohammed (cf. http://en.wikipedia.org/wiki/Ali_Mohamed). Ce jihadiste égyptien, un temps membre de la CIA, sous-officier des forces spéciales américaines, était un membre d’Al Qaïda. Les plus curieux d’entre vous pourront regarder le documentaire de National Geographic sur cet homme, voir lire l’étude de Peter Lance : « Triple Cross: How bin Laden’s Master Spy Penetrated the CIA, the Green Berets, and the FBI. » 

Bien qu’il ait été arrêté en septembre 98, d’aucuns se permettent de le qualifier de tête pensante des attentats du 11 septembre. Si la mauvaise foi n’était pas aussi manifeste, on pourrait rire de ce raccourci. Même le site IntelWire (cf. http://intelwire.egoplex.com/unlocking911-1-ali-mohamed-911.html) ne va pas aussi loin et préfère, à juste titre, insister sur le rôle de Mohammed dans la création de certaines infrastructures d’Al Qaïda en Afghanistan. Mais la tentation est trop grande, et le site DRZZ.org, à deux reprises, (cf. http://www.drzz.info/article-l-attentat-de-fort-hood-ou-comment-les-islamistes-attaquent-l-armee-americaine-38914543-comments.html et http://www.drzz.info/article-video-l-espion-du-11-septembre-ali-mohamed-38971446.html) soutient, sans convaincre, qu’Ali Mohammed est l’homme du 11 septembre. 

Peu importe la chronologie, peu importe le rapport de la Commission d’enquête du 11 septembre, il s’agit ici de terrifier en affirmant que ces attentats ont été commis par un musulman entraîné par les Forces Spéciales américaines. Et d’une pierre deux coups : on appelle à la plus grande vigilance contre ces musulmans (ces « Muzz ») sans distinction (je crois que c’est du racisme, je vais consulter le code pénal), mais surtout on glisse « jamais un arabe n’aurait réussi de telles opérations sans la formation de professionnels occidentaux »… Classe… Il sera assez difficile à mes détracteurs de m’accuser de faiblesse envers l’islam radical, mais il sera tout aussi difficile de m’accuser de racisme. Je ne me suis jamais abaissé aux répugnants propos de quelques uns. De surcroît, il n’échappera à personne que les raccourcis, les amalgames, les caricatures font le jeu des radicaux. Les communautés juives ont assez souffert dans leur chair pour ne pas avoir la conscience aigüe des risques de tels excès. 

Il me sera permis, enfin, en tant que professionnel du renseignement, de m’étonner de la présence dans l’équipe éditoriale de DRZZ.org, aux côtés d’auteurs aussi respectés et prestigieux que Pierre-André Taguieff ou Michel Gurfinkiel, de personnalités aussi suspectes que Bat Ye’Or, auteur du nauséabond Eurabia ou de Laurie Mylroie, responsable de la publication de « War Against America: Saddam Hussein And The World Trade Center Attacks », ouvrage de propagande où l’on apprend que Ramzi Youssef était un agent irakien et Saddam Hussein le véritable responsable des projets terroristes de 93 à New-York…

 

 

Il me semble que tout est dit.

Réflexions à chaud sur les suites judiciaires de l’embuscade d’Uzbin

La modernité dans ce qu’elle a de plus absurde aurait donc frappé nos autorités aujourd’hui ? La plainte des familles de deux combattants issus du 8e RPIMa et du 2e REP révèlerait à quel point nos sociétés ne supportent plus l’imprévu, le danger, même dans une situation par nature volatile comme un combat.

Cette plainte m’a initialement choqué. Par réflexe, sans doute, comme par calcul politique, j’ai craint qu’une fois de plus l’armée en tant qu’institution régalienne ne soit mise en cause, et j’ai redouté que notre engagement dans cette guerre d’Afghanistan qu’il faut mener, quoi qu’en pensent les analystes de salon, ne soit remis en question.

Et j’ai repensé à toutes ces confidences recueillies depuis août 2008, aux 8 versions contradictoires du gouvernement. J’ai revu les visages arrogants de ces officiers sûrs de leur bon droit, et je me suis dit : et pourquoi pas une plainte ? Il s’agit sans doute de mon côté anarchiste, mais rien ne vaut l’exposition en place publique des petites lâchetés de certains pour me réjouir. Et si cette plainte, pour indécente, qu’elle puisse paraître de prime abord, n’était pas l’occasion de casser quelques unes de nos certitudes sur l’état de notre armée ? Et s’il devenait évident, enfin, que la France s’obstine à mener la diplomatie d’un Empire avec les moyens d’une obscure baronnie ? Car à les écouter, ces familles ne veulent pas la fin de la guerre, elles ne critiquent pas le Président ou l’Etat-Major, elles s’en prennent aux supérieurs directs de leurs fils.

Et Dieu sait qu’elles ont vécu des épreuves, ces familles. Après la mort de leurs enfants, les révélations, les versions divergentes, les polémiques, les rumeurs. Et la maladresse insigne du pouvoir, qui les met dans un avion, les pousse à Kaboul en leur promettant, suprême idiotie, de visiter le champ de bataille, comme si des familles de GI’s avaient visité le Delta du Mékong en février 68…

Et la panne de l’Airbus présidentiel sur l’aéroport de Kaboul… Et le retour en France dans le même avion que les compagnons d’armes de leurs frères, 18 heures de conversation horribles. Et les coups de menton d’un chef de corps digne des « Sentiers de la gloire » ou de la « Colline des hommes perdus », menaçant de porter plainte contre les familles qui osaient poser des questions…

Et la découverte des manquements : non, il n’y avait pas eu de reconnaissance préalable. Oui, les hommes n’avaient pas assez de munitions. Oui, quand les Américains leur ont livré des caisses de 5,56 mm, nos soldats ont découvert que leur FAMAS n’acceptait pas les munitions OTAN…

Car derrière les erreurs, les fautes, la fatalité et la surprise du combat, que va-t-on voir dans tout son dénuement ? Une armée qui en vient à croire ses propres mensonges, un pays qui se rêve aussi puissant que le royaume de Louis XIV, et qui ignore qu’il faut 3 hélicoptères pour en faire voler un, que le canon du Tigre n’est pas fiable, que la France doit acheter des paniers à roquettes (l’arme suprême contre la guérilla) puisqu’elle n’en produit plus et puisque nous misons tout sur le guidage laser, que nos blindés sont fragiles, vieux, que nous n’avons pas de transport pour les acheminer en Afghanistan. Mais il nous reste le nucléaire, cher au Général, et le Rafale, ce chef d’oeuvre de technologie que nous ne vendons pas (non, même pas au Brésil !). Alors, que nous reste-t-il ? Des soldats conscients de leurs mission, qui font honneur à leur pays, qui le sauvent même, malgré lui, d’une humiliation encore plus grande. Et des chefs, beaucoup de chefs, trop de chefs, savamment irresponsables.

Vous ai-je déjà conseillé de lire Marc Bloch ?

Afghanistan : une sale guerre ?

Un soldat français est tombé hier en Afghanistan, tué par l’explosion d’une bombe artisanale. Neuf de ses camarades – et non de ses « collègues » comme l’a dit hier un journaliste de France Info qui les confondait sans doute avec des employés de la Mairie de Paris – ont également été blessés, certains sérieusement. Je me permets ici de rendre hommage à ces soldats qui conduisent au coeur du monde une guerre que peu veulent comprendre et qui défendent, malgré elles, nos valeurs.

La mort de ce jeune caporal, dénoncée à Paris par les « anti-guerre », ceux-là même qui défilent pour la laïcité et font assaut d’humanisme, intervient alors qu’un raid de l’OTAN contre un groupe de Taliban (je me refuse à qualifier ces individus d’insurgés) a entraîné la mort de plus de 90 personnes. Si ce bilan est proprement terrifiant, et s’il y a tout lieu de penser que de nombreux civils ont en effet été touchés par ce raid, il serait bon de rappeler qu’il a été provoqué par l’explosion d’un camion-citerne volé par des Talibans et touché par un projectile au milieu d’un village. Sans vouloir me faire l’avocat du pilote qui ouvert le feu et qui doit en avoir gros sur le coeur ce matin, je rappelle que les Taliban maîtrisent parfaitement la désormais fameuse méthode du bouclier humain, et surtout qu’ils savent, comme toutes les guérillas qui les ont précédés, que les démocraties en guerre ne supportent pas la mort. Dès lors, plutôt que de tenter de vaincre les forces alliés en rase campagne, les Talibans procèdent par opérations ponctuelles et utilisent au mieux les inévitables bavures – voire les provoquent.

Les Français n’aiment pas la guerre. Il convient de s’en féliciter. Il faut hélas parfois le déplorer car cette posture, qui les a vus refuser d’intervenir contre le Reich en 1936 et 1938, les a conduits où l’on sait.

Plus grave, les Français, comme les Européens, ont perdu toute connaissance de la guerre, et ce, rendons grâce au ciel et à la sagesse de nos père, gâce à la paix qui règne sur le continent depuis 1945. Les Français n’ont plus qu’une vision édulcorée de cette catastrophe habituelle de l’histoire humaine, et ils ont oublié les drames qui l’accompagne. Il faut ici remercier la médiocrité des programmes d’histoire de nos collèges et de nos lycées.

La mort de soldats et la mort de civils, en Afghanistan comme en RDC ou au Sri Lanka, font partie de ces horreurs que nous devons intégrer. L’incapacité criante de nos dirigeants à expliquer ce conflit et le défaitisme criminel des pacifistes d’extrême-droite ou d’extrême-gauche constituent le second front de cette guerre. A nous d’expliquer qu’il ne s’agit pas de colonialisme et qu’il n’y a nulle gloire à vouloir défendre les « traditions » d’individus qui pratiquent le crime d’honneur.

Que la guerre est facile vue de Paris

« La meilleure arme contre la démocratie ? 5 minutes avec un électeur lambda », disait le grand Winston Churchill. A la lecture des commentaires des internautes sur l’affaire de nos otages en Somalie, force est de constater que le Premier ministre britannique avait fait preuve d’une cruelle lucidité en lançant cette plaisanterie.

Capturés le 14 juillet derniers dans l’hôtel le plus protégé de Mogadiscio, les deux agents de la DGSE ont immédiatement provoqué l’hilarité de leurs concitoyens, à peine remis sans doute des beuveries du bal des pompiers. Rares ont été les voix pour attirer l’attention des Français sur les risques insensés que couraient nos deux compatriotes dans les mains des groupes islamistes radicaux somaliens. Il a en revanche été fait largement mention d’une rumeur, infondée, selon laquelle les deux militaires se faisaient passer pour des journalistes. Il n’en était rien, comme l’a admis le gérant de l’hôtel et comme n’ont cessé de l’affirmer les autorités françaises.

Si les stratèges de comptoir abandonnaient la lecture de certains quotidiens sportifs, ils réaliseraient – peut-être – que les services secrets français sont un des moyens les plus sûrs que la République utilise pour rayonner et surtout pour se préparer au pire. Parfois qualifié de « Service d’Assistance » par les militaires de la DGSE, le Service Action (SA) regroupe en réalité la fine fleur de la chevalerie et procède en permanence à des missions de soutien, de reconnaissance, et s’entraîne à intervenir dans des régions que les internautes, si prolixes, ne placent même pas sur une carte, et dans des conditions qui n’ont rien à voir avec les aventures des bidasses de la 7e compagnie.

Mais si le Français a raison de ne pas aimer la guerre, surtout après le nombre sidérant de défaites subies ces derniers siècles et les tueries homériques du 20e siècle, il a tort de pratiquer un antimilitarisme teinté d’omniscience, ce trait de caractère gaulois qui fait de la France la patrie de Thierry Meyssan. Les remarques lues aujourd’hui sur nos deux agents sont en effet d’une étourdissante bêtise et révèlent l’ambivalence de nos concitoyens vis-à-vis de la chose militaire. Avides de gloire mais frustrés après tant de roustes, ils en sont réduits à idolâtrer des chauffeurs de taxi marseillais et à refaire les guerres devant un pastis. Surtout, ils n’ont pas de mots assez durs pour fustiger leurs alliés, américains et britanniques, et ils ne cachent pas longtemps leur fascination pour la Wehrmacht. Car le Français, beau parleur, a le discours d’un Empire avec les moyens d’une principauté d’opérette.

Que des militaires aient pu être capturés en soutenant le moribond régime somalien contre les jihadistes ou les pirates, voilà qui nourrit l’ironie de nos vétérans du dimanche. Que l’un d’entre eux se soit échappé, et c’est le délire, curieux mélange de gloire cocardière et de scepticisme ignare.

En réalité, les choses devraient être simples. L’internaute du Monde, du Figaro ou de Libération devrait admettre, une fois pour toutes, qu’il ne sait pas tout parce qu’il ne peut/doit pas tout savoir. Il devrait également accepter, comme votre serviteur, qu’il n’a pas son mot à dire pour des operations SECRETES, et que s’il a le droit de s’interroger, il devrait REFLECHIR avant de commenter des articles écrits à la va-vite. Internet devait tuer l’écrit. On n’a jamais autant écrit. Mais on n’a jamais écrit autant de c…